Par Alain Blanc
Expédition en Irian Jaya

Il nous aura fallu pas moins de 13 décollages et atterrissages pour arriver au village papou de Sugapa. 94 heures de voyage… il faut vraiment chercher quelque chose de particulier pour venir ici! Pour notre petite équipe de 6 copains, la motivation est un sommet de 4884m d’altitude: la pyramide de Carstenz ou Puncak Jaya dans l’une des nombreuses langues locales. Cette montagne a une renommée particulière car elle est la plus haute du continent océanien et fait partie de ce qui est devenu un mythe dans le monde de l’alpinisme: les 7 summits, soit les plus hauts sommets des 7 continents.

9 jours de marche

Ce n’est pas pour autant que Sugapa est fréquenté par des hordes de montagnards étrangers. Il est bien plus facile d’atterrir au camp de base en hélicoptère, de gravir les 600 mètres de calcaire et de repartir dans la même journée. Une autre possibilité consiste à prendre la route de ce qui pourrait bien être la plus grande mine de cuivre à ciel ouvert de la planète et à rejoindre le camp de base de la pyramide, à une demi-journée de marche. Pour nous, ce sera 9 jours de marche à travers la solitude des villages papous, celle –étrange – des forêts équatoriales, celle des hauts plateaux et celle d’une escalade finale sous la pluie.

Je savais en organisant le séjour que cette entrée n’était pas la plus facile. J’étais loin d’imaginer ce qu’elle représenterait une fois sur le terrain. J’avais fait confiance à Jimmy, un aventurier indonésien rompu à toutes les négociations. Il m’avait dit de choisir une autre voie, moins longue, plus sauvage. Je voulais rencontrer des Papous… et nous voilà à Sugapa.

Rencontre avec les Papous

Le choc des civilisations a lieu à la sortie de l’avion. Tout le village nous attend sur le tarmac de gravier. Les faciès impressionnent, les canons des carabines qui dépassent des épaules aussi. Les arcs, les flèches, les sagaies et les militaires indonésiens en gilets pare-balles nous souhaitent la bienvenue. Nous nous faisons des politesses pour savoir qui de nous sortira le premier de l’avion… On nous conduit ensuite à notre hutte et, pendant un jour et demi, des négociations, parfois houleuses, ont lieu sur notre pas de porte. Il y a là les militaires indonésiens, les gardiens de la révolution papoue, le chef du village, le chef de la communauté papoue, les divers représentants des tribus sur les territoires desquels nous allons passer, les porteurs auxquels des promesses d’embauche ont déjà été faites, des traducteurs, des curieux, des femmes et des enfants. Le spectacle est permanent, la pièce qui se joue est incompréhensible. Jimmy est tendu et peu bavard, il ne quitte jamais son sac à dos… Puis nous sommes invités à participer à une fête. Un missionnaire indonésien a mis en scène la crucifixion. Des papous en robe blanche jouent la mort du Christ, l’auditoire emplumé ou vêtu de t-shirt, est fasciné. Nous naviguons en plein surréalisme.

Le départ

Le départ du lendemain est agité. Les porteurs retenus courent en direction de notre 1er bivouac. Déjà après une heure de marche, nous sommes tous arrêtés. Les casiques du village que nous traversons nous demandent une taxe de passage. Les négociations reprennent. Il faut dire que les armes et les mines de ceux qui les arborent nous convainquent facilement de lâcher du lest. Jimmy s’en charge, je comprends enfin pourquoi il ne se défait jamais de son sac à dos… Prochain village, rebelote, cette fois ça va un peu plus vite: 2 porteurs supplémentaires sont engagés. Troisième village, troisième péage: notre garde rapprochée nous quitte, la kalachnikov en bandoulière. Elle rebrousse chemin. Depuis ici, plus aucun village à traverser. Le soir au bivouac je demande à Jimmy de me montrer le contenu de son sac à dos. Il le quitte pour la 1ère fois et me montre un sac en plastic rempli de billets de banque. Il me dit: «ça c’est rien, j’en avais cinq fois plus hier!».

Si l’aventure avait commencé sur les chapeaux de roue, là elle se calme. Elle se déroule maintenant au rythme de nos pas et des obstacles naturels que nous traversons. La forêt se densifie. Quand nous nous éloignons des cours d’eau, plus un bruit, rien ne nous parvient. Nous sommes bien en Océanie. Lors de la l’éclatement du Gondwana, la Papouasie-Nouvelle Guinée s’est retrouvée vierge de tout mammifère. Les oiseaux chassés pour leur viande et leurs plumes ont quitté les lieux ou peut-être même ont-ils disparu? A force de monter, nous nous retrouvons bientôt hors de la végétation. Nous partageons la vie des porteurs et nous apprivoisons mutuellement. Les contacts deviennent plus authentiques. J’ai de la peine à différencier les Danis des Monis, les Monis des Dawa… Le soir, c’est plus facile, les membres des différentes tribus ne partagent pas la même couche. Le rythme des marches et des bivouacs s’installe jusqu’au camp de base. Je suis aussi fasciné par la variété des paysages traversés que part l’ambiance qui règne entre nos civilisations. Le camp de base est beaucoup plus minéral, tout est gris ou noir. Il faut dire que depuis deux jours il pleut sans discontinuer. Seule une petite marre glacière bleu turquoise égaie le décor.

L’ascension

L’ascension n’est pas très compliquée, les passages d’escalade se font en grosses chaussures. Une tyrolienne installée entre 2 pitons rocheux nous donne une petite sensation de vertige… quand le brouillard se déchire. L’arête sommitale est splendide, l’émotion du sommet intense. Daniel boucle son périple sur les plus hauts sommets de la planète. Piero est parvenu, non seulement, à son record d’altitude mais au bout d’une aventure extraordinaire: il est peut-être le premier greffé d’un rein à parvenir ici? Jimmy lâche une larme, il n’a pas cru une minute aux chances de Piero. Je me rends compte qu’aucun d’entre nous n’en a jamais douté. Et déjà, il faut penser au retour…


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