Chronique
Un p’tit séjour à l’ombre?

C’est un lieu de villégiature où l’on est nourri, logé, blanchi. Toutes les chambres ont télé, radio, WC et lavabo. Certains y trouvent le confort quelque peu spartiate; les locaux sont chauffés en hiver, l’isolation est bonne en été, mais quand même sans climatisation. On peut en profiter vingt-trois heures par jour quasiment sans être dérangé, pour des séjours allant d’un jour à plusieurs années, suivant l’invitation que l’on a reçue. Tout le monde en parle, mais personne ne veut y aller. La prison, cabane, taule, bagne, bloc, trou, chtar, clou, violon, gnouf, placard, les synonymes sont légion pour désigner ce petit coin tranquille.

Par Cégé, le 17.12.2013 - Ed. 16

A la fin du XIVe siècle une tour des prisons fut érigée au centre-ville, coiffée d’une horloge qui donnait l’heure à la cité. Elle fut démolie en 1834 pour faire place à l’hôtel de ville. Les bagnards furent ensuite logés à la tour de la «maison des chasseurs» (qui existe toujours, près de la préfecture), puis en 1895 fut construite une nouvelle prison accolée à l’hôpital, détruite elle aussi en 1933 pour permettre l’extension du lieu hospitalier. C’est ensuite au sous-sol du tribunal que furent aménagées des cellules pour y accueillir des détenus.

La nouvelle taule de Moutier, répondant à tous les critères de sécurité actuelle, date de 1995 et a nécessité deux ans et demi de travaux. Et depuis, on a encore entrepris de nombreuses modifications structurelles et agrandissements pour garantir la sécurité intérieure et extérieure. Dur de s’en échapper: la dernière évasion date de 2003. Pour l’anecdote, le détenu recherché par Interpol n’a été retrouvé que l’année dernière, en Grèce. Rapatrié à La Chaux de Fonds, une des premières choses qu’il a réclamées, c’est le pécule dû par la prison de Moutier pour des nettoyages!

Les jolies colonies de vacances

Par rapport au film «Midnight express» et autres prisons moyenâgeuses vues à la télé, on pourrait croire que faire de la cabane est une formalité à Moutier. Tu parles! Si la construction est récente et que les cellules sont équipées de télé et de radio, il faut savoir que les taulards n’ont droit qu’à une heure de promenade par jour, donc vingt-trois heures de solitude, deux douches par semaine, une heure par semaine de sport, d’accès à la bibliothèque, de contact avec des gens d’église ou de cours de français. Il n’existe pas d’ateliers et les détenus peuvent participer occasionnellement à des travaux d’intendance, blanchisserie ou nettoyage. Basta. La literie est ignifugée à la suite d’incendies volontaires. Les détenus peuvent fumer (on leur refile même six cigarettes par jour s’ils n’en ont pas), mais l’alcool est interdit. Les courriers, colis, cadeaux sont bien entendu surveillés, et diverses marchandises sont prohibées ou refusées. De même que les visites sont aussi réglementées et doivent faire l’objet d’autorisation de l’autorité compétente. Il faut montrer patte blanche.

J’t’explose la gueule

Il existe bien sûr des détenus belliqueux, dangereux, violents. Pour eux, un régime spécial «mitard», appelé cellule forte, est réservé. L’endroit est dénué de tout confort: lit sommaire et WC à la turque. Ils y seront alors enfermés avec juste un slip. Si ces enfants de chœur ne se calment pas, ou pour autres récalcitrants, on peut faire appel à la police, voisine des lieux. Certains cassent et démontent tout, tentent de fabriquer des objets pouvant servir d’arme avec des brosses à dents, brosses de toilettes ou autre objets pouvant devenir dangereux une fois transformés. Pour les différents transports comme par exemple les comparutions auprès d’instances judiciaires ou autres, pieds et mains seront entravés.

De flic à maton

Depuis 1998, le système carcéral a changé et s’est privatisé. Il se nomme dès lors «Office de la privation de liberté et mesures d’encadrement». Il est défini par un organigramme précis avec à sa tête un conseiller d’état et un directeur. Auparavant, c’était la police cantonale qui s’occupait du gnouf de Moutier. Les anciens se souviennent des Troyon, Wahli, Moine ou autres, connus comme geôliers. Actuellement, ce sont des «agents de détention» qui président à la destinée de la prison de prévôtoise (qui dépend de celle de Bienne). Ils doivent passer un brevet fédéral et suivre une formation de quinze semaines sur deux ans. Les candidats de 27 ans minimum auront passé un CFC et doivent avoir des notions d’allemand. Ils respectent une charte cantonale et un code d’éthique local. C’est une organisation structurée avec des processus définis, des moyens techniques modernes et une communication ouverte qui leur facilitera la tâche. Treize personnes, dont quatre femmes, sont engagées et assurent une permanence de 24 heures sur 24. La prison de Moutier est dirigée par Anita Neukomm avec comme suppléant Thierry Geiser.

Ça vous tente?

On trouve tous les types de détentions dans les geôles prévôtoises, de l’exécution de peine, détentions provisoire, de sûreté, en passant par les privations de liberté à des fins d’assistance, en vue d’extradition etc. Hommes, femmes et jeunes se partagent les 28 cellules pour tous délits: stups, vols, brigandages, mœurs, crimes divers, etc. Le chtar de Moutier est occupé actuellement à 90%, dont 80% d’étrangers, venant de onze pays différents. La tranche des 26-40 ans y est nettement majoritaire. La cuisine est gérée par l’hôpital, avec bien entendu des menus correspondants aux diverses religions ou régimes, mais pas vraiment à la carte.

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