Portrait
«Et toi, tu connais le Bérou?»

Ce mois-ci, mes aventures m’ont amené à la ferme. On m’avait prédit une rencontre épatante avec «Le Bérou». «C’est qui?» questionnais-je. «Il a des chevaux», «il fait de la moto», «il vend du vin chaud dans sa roulotte durant les foires», voilà les réponses qu’on me servait.

Par EM, le 21.03.2014 - Ed. 9

Plutôt que de simplement me rappeler que c’est sa ferme qu’on nous fait visiter lorsque nous sommes à l’école primaire. Les souvenirs reviennent… Il a la stature imposante, l’esprit vif et le cœur vaillant. La rencontre au Clos Hennet sera enrichissante.

Ses ancêtres sont des Gitans espagnols, descendants d’esclaves et sédentarisés dans l’Emmenthal. Comme ses racines, l’homme est atypique. Le Bérou, son épouse Eliane «qui l’a remis sur le droit chemin», ainsi que leur fils Yves et Cédric m’accueillent à leur table. J’assimile rapidement que le prénom de mon hôte est «Albert», un éclair de lucidité, qui m’empêchera de poser une question stupide, fuse dans ma tête: Albert Ruch = Bérou. Soulagement, car l’homme est taquin. Il a des choses à dire et ne s’en prive pas.

La moto

Après avoir survolé sa brillante carrière de motard, «A l’époque, nous grillions nos cervelas à côté du champion du monde. La vague de consommation n’était pas encore passée», nous revenons sur le Motocross de Moutier, qu’il organise depuis 2006: «Cette année, la participation a été faible. Mais c’est normal, car c’était la Fête des mères et pour nous motards, c’est sacré», justifie M. Ruch. La discussion dévie rapidement sur le blocage administratif et surtout politique qui empêche son circuit de faire office de piste d’entrainement pour les pilotes de la région: «Si je joue toutes les semaines à l’Euromillions, c’est uniquement pour donner un million à la commune», ne plaisante-t-il pas. La polémique est lancée depuis belle lurette et l’investissement de l’homme pour sa passion n’a pas d’égal.

La nature

Ame terrienne, le Bérou a repris la ferme de son père en 1992, après avoir rangé son bolide de compétition et fondé une famille: «J’ai exercé comme bûcheron, maçon, mécanicien sur voiture… Et comme je ne savais pas quoi faire l’hiver, je me suis inscrit à l’école d’agriculture». Pourtant bien installé, les années n’ont pas entamé son rêve de projet d’agro-tourisme: «Je souhaiterais faire de la ferme de Sur-Chaux un gîte. Avec autour des animaux exotiques, tels des lamas par exemple, en guise de distraction». Amoureux de sa région, «Nous vivons dans un coin magnifique, au cœur des montagnes. Le Graitery est sûrement encore l’une des plus vierges d’Europe» et convaincu de la potentielle réussite de l’entreprise, sa plaidoirie a de quoi nous réconcilier avec notre trou perdu, tant décrié: «Nous avons beaucoup de possibilités à exploiter pour amener les gens chez nous et proposer des activités en harmonie avec la nature. Comme du trekking à dos d’ânes, tiens. Les idées les plus farfelues sont les bienvenues».

En attendant les vaches des highlands, il continue de murmurer à l’oreille se ses cochons: «Ce sont mes porte-bonheur. Ils sont comme les bourgeois: plus ils vieillissent, plus ils deviennent cons».

Après avoir partagé la vision de celui qui se qualifie lui-même d’«esthéticien de la terre», je ne regarderais plus jamais le Graitery de la même manière…

C’était les aventures d’Emilie chez le Bérou…


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