A peine le temps de faire connaissance avec le binôme qui nous a dans les pattes ce jour-là (Céline Desilvestri Joray, ambulancière diplômée, et Julien Matthey, technicien ambulancier) que l’alarme commence à sonner. Notre cœur se met à battre plus fort. On nous signale un homme sur un chantier à Court, souffrant de douleurs dorsales. Le cas est classé en tant que Primaire 2, signifiant qu’il n’y pas de danger vital immédiat. Nous avons donc trois minutes pour quitter l’hôpital, le temps de revêtir une veste spécialisée et de sauter dans l’ambulance, qui se rendra sur place sans sirène ni feux.
Sur le terrain
Arrivés sur le lieu des travaux de la N16, nous sommes accueillis par les collègues du patient. Celui-ci est couché immobile au sol sur le dos. Nous apprenons qu’il ne s’agit pas d’un accident de travail, mais d’une hernie discale qui est sortie pour la quatrième fois. Le jeune homme parle, mais souffre à chaque mouvement esquissé. Pleine de sang-froid et avenante, Céline le couvre d’une couverture de survie et lui demande d’estimer son mal: «Sur une échelle de 1 à 10, à combien mesurez-vous la douleur?», «20», lui répond le malheureux, qui ne pourra pas participer à son souper de boîte le soir-même: «On te garde une bouteille», «Tu vas aussi avoir à souper, mais seulement un café complet», lui soufflent ses compères.
Premiers soins
Délicatement mis sur le brancard, «J’ai l’impression que je vais tomber. Je suis dégueulasse en plus», relativise-t-il, le patient est médicalisé dans l’ambulance, parfaitement équipée, où il reçoit les premiers soins. On lui administre notamment du fentanyl, analgésique cent fois plus puissant que la morphine: «Nous avons un panel de protocoles médicaux délégués que nous pouvons prodiguer nous-mêmes, avec l’autorisation d’un médecin-conseiller. Il n’y a pas de médecin-urgentiste à Moutier», explique Céline.
Sur la route
Au volant, Julien nous ramène à l’hôpital prévôtois: «Ce qui est important dans ce cas présent est le confort du patient, qui est stable. Nous n’allons donc pas rouler trop vite, ni accélérer trop brusquement et essayer d’anticiper le plus possible les mouvements de terrain. En tant que conducteur, il est nécessaire d’évaluer la situation au cas par cas et de mettre en balance le facteur risque avec le facteur gain de temps, ou ici le facteur confort», explique-t-il.
Relais des urgences
De retour à la base, le patient est confié aux bons soins du personnel urgentiste. Nos ambulanciers doivent, eux, procéder au nettoyage de leur véhicule et attendre leur prochaine intervention et être sur le qui-vive: «Les interventions augmentent chaque année, la population vieillit, les gens appellent de plus en plus facilement. Nous sortons en moyenne une fois toutes les 24 h pour le site de Moutier. Nous sommes une équipe de onze personnes, œuvrant 365 j/365 et 24 h/24», informe Céline.
Charge émotionnelle
Soulagés de n’avoir pas eu à affronter une situation plus tragique, nous profitons du retour au calme pour questionner l’ambulancière sur l’aspect émotionnel de sa profession: «Personnellement, ce qui me touche le plus est de voir une personne souffrir, plus que ses blessures en elles-mêmes ou la vue du sang. Les situations avec des enfants m’atteignent également plus. Pour évacuer, nous faisons des débriefings techniques entre collègues où nous parlons de notre cas et de notre ressenti. Pour les interventions compliquées, nous avons aussi la possibilité d’effectuer un débriefing psychologique», confie-t-elle.
Le P’tit Ju a plongé en immersion dans le quotidien des nos anges gardiens.
>>> Le site Internet de l’hôpital
Crédits photos © Stéphane Geiser