J'ai pas campris!
Siri, y s’passe quoi en Syrie?

Si, le 17 décembre 2010, avant de se foutre le feu, Mohamed Bouazizi, tunisien de 26 ans vendeur de fruits et légumes, savait que son acte serait l’étincelle qui embraserait la poudrière du monde Arabe et, par un jeu de domino, allait amener la Syrie à une guerre civile, l’aurait-il quand-même fait? Le P’tit Ju, du fin fond de sa campagne suisse, répondrait que c’est un peu can comme questian. Il dirait toutefois que Momo, l’ingrat, aurait quand-même pu penser un tant soit peu à notre mental d’européens qui allait, c’est sûr, souffrir du poids que nous infligeraient nos propres mass media. Trois ans après cette immolation historique, la situation en Syrie, pays aussi lointain que l’espace qui sépare notre canapé de notre télévision, et dernier bastion médiatique qui nous interpelle encore aujourd’hui du phénomène baptisé «Printemps Arabe», est grave et ne laisse personne indifférent.

Par MPV, le 03.12.2013 - Ed. 21

En même temps, à force d’être sans cesse sollicités, qu’on le veuille ou non, par la presse, on ne s’étonne plus de se prendre au jeu de se faire son avis de comptoir sur la question: «Bachar al-Assad est un effroyable dictateur», «les rebelles sont d’horribles terroristes», «les armes chimiques sont inhumaines», «la guerre c’est mal», «faut-il être pour ou contre l’intervention occidentale», etc. Le P’tit Ju, pour y voir plus clair, va tenter de t’expliquer ce que tu n’as peut-être pas campris sur la question syrienne et s’est également doté de l’avis d’un spécialiste du sujet, le Holy Father Pierre de la paroisse catholique de Moutier. 

Un peu d’histoire

Il y a près de 43 ans, en novembre 1970, Hafez el-Assad, suite à un coup d’Etat, prend les commandes de la République arabe syrienne. Il en fut le président jusqu’à sa mort, en 2000. Il instaura et fît régner un gouvernement autoritaire propre à beaucoup de pays bordant le bassin Levantin à cette époque. Son fils, Bachar, actuel président, lui succède et continuera sur la voie tracée par son père, en apportant cependant une nuance de libertés. Ce n’était et n’est toujours pas un régime gentil-gentil. Il avait toutefois l’avantage d’avoir instauré un certain équilibre économique et social dans un pays multiconfessionnel et multiethnique, dans lequel, pour réussir à maintenir une certaine cohésion nationale, il fallait se lever tôt et certainement ne pas y aller de main morte. Avant les manifestations d’il y a deux ans, le pays était relativement prospère, offrait une qualité de vie assez élevée, protégeait les minorités, garantissait la laïcité, mais tout cela à un certain prix: celui d’une dictature autocratique (officiellement, une république parlementaire) au parti unique (parti Baas, dont les responsables sont principalement issus de la minorité alaouite du pays), qui n’hésitait pas à faire taire ou supprimer l’opposition, tout en menant une politique générale de terreur. En février 2011, la Syrie n’est pas épargnée par le séisme social qui s’empare du Monde arabe, et les premières manifestations ont lieu, malgré les mesures de prévention du gouvernement syrien. Rien n’y fera. S’ensuit une alternance entre tentatives d’apaisements et des répressions qui, au final, amènent le pays à s’enliser dans la guerre civile, devenue désormais guerre d’usure, que l’on connaît aujourd’hui.

Une situation camplexe

Or donc, en ce moment, le Moyen-Orient traverse une période de crises intenses, faites essentiellement d’instabilités et de divisions. Divisions sur des points qui échappent sûrement à une majorité d’entre nous: tout d’abord entre les partisans de la laïcité et les islamistes; ensuite entre les musulmans chiites et les musulmans sunnites; puis au sein même des sunnites (salafis, jihadistes, réformistes, etc.); aussi, de manière générale, entre les musulmans et les minorités religieuses; enfin entre les nationaux et les minorités ethniques (notamment Kurdes, qui sont deux millions en Syrie). À cela, ajoutons les diverses alliances politiques étrangères avec leurs florilèges d’intérêts géopolitiques et stratégiques: intérêts des nouveaux gouvernements des pays ayant réalisé leur «Printemps Arabe», intérêts des pétromonarchies pro-Occident du Golfe, intérêts d’Israël, intérêts occidentaux, intérêts des autres grandes puissances (Russie, Chine, Inde, Turquie, Iran). On obtient ainsi une belle dynamique d’instabilités.

Syrie - Carte - Mappe - Plan

 
La Syrie, camposée majoritairement de musulmans sunnites, est un exemple sanglant de ces divisions. Avant de passer à l’entrevue avec le Père Pierre qui t’expliquera maintes choses au sujet de cette situation, il nous faut camprendre qui sont, d’un côté et de l’autre, les principaux belligérants:

A) Le gouvernement fait partie de la catégorie des défenseurs d’une nation laïque. Sa camposition interne: armée syrienne, État syrien. Ses soutiens internationaux: Iran, Russie, Chine, Venezuela. Autres groupes de soutien: Hezbollah, FPLP, Brigade al-Abbas, Milice Jaysh al-Shabi, Houthis.

VERSUS

B) L’opposition au gouvernement, camposée par des groupes rebelles (la moitié se réclame jihadiste et le reste se constitue d’une mosaïque complexe d’idéologies différentes) et l’ASL (armée syrienne libre, non-idéologiste), est en majeure partie défenseur d’un État islamique (charia) en Syrie. Sa camposition interne: Coalition nationale des forces de l’opposition et de la révolution (composée par l’armée syrienne libre et le Front islamique de libération de la Syrie). Ses soutiens internationaux: Qatar, Arabie Saoudite, États-Unis, Allemagne, France, Royaume-Uni, Turquie. Autres groupes de soutien: Ligue arabe, Brigade de Tripoli, Hamas, Al-Qaida en Irak, Front Al-Nosra, Front islamique syrien, Ghouraba Al-Sham, Tehrik-e-Taliban Pakistan, Autonomistes kurdes (PYD et PKK). 

Bien que cela semble trop logique pour le souligner, des atrocités ont été perpétrées dans les deux camps. Les pertes humaines se chiffrent actuellement à plus de 110’000 selon l’ONU et se répartiraient ainsi: plus de 45’000 soldats et miliciens du gouvernement, plus de 18’000 rebelles (brigades, ASL) et plus de 40’000 civils. Ahhhh, Momo, mais qu’est-ce t’as foutu?

Le Père Pierre, «PP» pour les intimes, prend le relai


Version longue (38 minutes)

S’arrêter et réfléchir deux minutes

Ces quelques lignes et cette entrevue sur la Syrie n’ont pas l’ambition de dire ce qu’il faut en penser. Néanmoins, le P’tit Ju t’exhorte à ne pas te laisser emporter par les émotions, les images, les « informations » et t’encourage à utiliser ton esprit critique en ne prenant pas pour argent comptant tout ce que tu vois et entends. À commencer par cet article. Car, comme l’a souligné PP, même quand on croit avoir compris quelque chose, on est bien loin du compte! Alors peut-être que tu es déçu, que tu pensais venir ici pour camprendre des trucs mais que maintenant tu te dis que, finalement, t’en piges encore moins, eh bien! le P’tit Ju pense que c’est une bonne chose: mieux vaut ne rien capter et saisir l’occas’ d’entamer une réelle réflexion, en s’aidant, par exemple, d’un bouquin ou d’une revue historique.

Un geste «Jurasyrien»

Aujourd’hui, notre petite région a l’occasion de se mobiliser pour aider concrètement la Syrie. Ouais, toi, derrière ton écran, si tu le veux (tu le veux ou bien?), tu as la possibilité d’agir depuis le fin fond de ta campagne jurassienne! Dingue, non? Cela est rendu possible par une Prévôtoise d’origine libanaise qui, le 24 octobre prochain, part 15 jours au Liban, dans son village natal qui se trouve à 50 kilomètres de la frontière syrienne, pour aller prêter main-forte à la gestion de l’immense crise humanitaire qui touche cette région. Il y a, en effet, un constant défilé de réfugiés syriens qui se presse aux portes du Liban, créant un afflux humain sans précédent qui doit être géré. Il s’agit surtout d’enfants, de femmes et de personnes âgées, qui ont toutes et tous des besoins (nourriture, logements, vêtements, médicaments) auxquels une réponse doit être impérativement donnée, afin de leur permettre de survivre le plus décemment possible. C’est le travail qui va être celui de cette Prévôtoise pendant ces deux semaines intensives. Le Petit Jurassien organise la collecte et te remercie déjà pour ta générosité. Donner un poil de ta bourse pour cette cause, c’est ta manière de mettre la main à la pâte, d’ici, pour améliorer les choses là-bas.

Les dons peuvent être transmis en mains propres au bureau dePomzed à Moutier, ou envoyés par virement bancaire jusqu’au 20 octobre sur le site* suivant:

www.leetchi.com/c/appel-jurasyrien

*Aucun site de collecte/cagnotte n’existant à notre connaissance en Suisse, le site leetchi (qui a fait ses preuves depuis des années) est européen et le paiement se fait donc dans la monnaie européenne.


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