Une figure emblématique
Très vite, Sèyo et ses potes forment un crew de breakdance nommé les Jazzy Rockers. Ils se donnent à fond et deviennent connus pour leurs performances acrobatiques et cela même au-delà des frontières helvétiques. Leur leitmotiv, transformer l’énergie négative en réaction positive.
De plus, Sèyo se passionne pour le graffiti. Il repeint une bonne partie des murs de sa région, parfois même jusqu’à Moutier. Effectivement, les anciens se souviendront peut-être des fresques à l’intérieur du club Le Caméléon. Omniprésent, l’artiste se forme une réputation. En plus de 30 années d’acharnement, Sèyo s’est élevé au rang de légende urbaine vivante.
Cependant, son art n’a pas toujours été apprécié à sa juste valeur. A l’époque du renouveau, les gens ne comprenaient pas ses murs peints à la bombe durant la nuit, ses lettrages immenses illisibles et l’attitude de ces jeunes squattant les rues à danser et fumer des oinjes. Face à l’inconnu et au sentiment d’insécurité ressenti par la population, la police s’est donnée la mission de pourchasser et réprimander. Alors qu’ils se considéraient simplement comme des artistes, Sèyo et ses potes ne comprennent pas cette répression soudaine. De l’art pour les uns, du vandalisme pour les autres, la lutte s’installe et le jeu pour ne pas se faire prendre commence. La suite est facile à imaginer, jamais personne n’a réussi à arrêter celui qui veut se rebeller.
Lorsque le vandalisme est rémunéré
Plus tard, Sèyo devient père et doit faire un choix, trouver un boulot ou persévérer pour faire de sa passion un métier reconnu et si possible lucratif. Dans les deux cas, il doit assumer et nourrir sa famille. Le choix est vite fait, il continue ce qu’il a toujours su faire et se trouve un atelier. Il crée avant tout pour lui, mais aussi sur mandat pour des privés. Même si parfois, il doit accepter des contrats à l’encontre de ses valeurs, il se fait plaisir en graffant légalement. Il réussit à transformer ce qui était apparenté à du vandalisme comme l’embellissement du gris urbain de nos contrées industrialisées.
Sèyo à Moutier
Le Ptit Ju a rencontré pour vous cet artiste incroyable alors qu’il était en pleine action en ville de Moutier. Mandaté par les autorités en 2013, il avait déjà embelli un bâtiment des services industriels à la Rue de l’Est. Le mois de mai dernier, Sèyo a remis une couche de spray, mais cette fois sur la station électrique de l’Avenue de la Gare. Le Ptit Ju se permet un petit clin d’œil à la ville et la remercie pour cette initiative osée et appréciée.
La première chose qui marque lorsqu’on s’adresse au bonhomme est son accent. Un accent comme un voyage dans le temps à la coupole à Bienne alors que le Hip-Hop frappait la ville, l’accent typique biennois de la vieille époque forgé par le bilinguisme de cette cité et par le besoin de se démarquer. Un accent unique comme une part de son style, un élément de son personnage.
La seconde chose est le sentiment de bienveillance qu’il inspire. Même s’il fait un peu peur au départ, certainement parce qu’il est concentré, comme absorbé par son œuvre en devenir. Il écoute patiemment chaque piéton qui s’arrête pour admirer son travail et lui raconter sa part d’histoire sur la ville. Lorsque j’arrive vers lui pour l’aborder, une personne âgée appartenant à la bourgeoisie de Moutier lui fait un cours d’urbanisme prévôtois. Sèyo prend le temps de considérer ceux qui respectent ce qu’il fait.
Même si le Hip-Hop comme Sèyo l’a vécu est clairement mort, il voue corps et âme à continuer de le faire encore un peu exister au travers de ses créations.
Si vous aussi, vous désirez le rencontrer dans son élément, il organise une exposition cette année à Bienne sur trois semaines entre le mois de novembre et décembre. Plus d’informations prochainement sur son site internet.
L’hommage du rappeur Ro$$:
Reportage de Mathias Wälti, ami de Sèyo:
L’hommage de notre illustratrice Vay à l’artiste.
Un accent à la Kouka.