Le film à voir... Ou pas!
P’tit Quinquin

ATTENTION, ÉVÉNEMENT: les 18 et 25 septembre prochains, la chaîne Arte va diffuser les quatre épisodes de la mini-série intitulée «P’tit Quinquin». Présentée à Cannes à la Quinzaine des réalisateurs, j’ai eu la chance de la découvrir au NIFFF (Neuchâtel International Fantastic Film Festival) qui a eu l’excellente idée de la sélectionner à son tour. Pour tout vous avouer, je n’avais pas prévu d’y aller. J’avais d’abord opté pour un polar sud-coréen qui passait à la même heure. Typiquement mon genre. Et puis bon, après huit jours de festival et 43 films au compteur, je n’avais pas vraiment le courage d’aller me farcir 3h20 de Bruno Dumont. Mais voilà, après un tel marathon de plus d’une semaine, notre constitution en prend un coup et on se fait plus influençable. Alors quand les copains m’ont dit «Allez viens! On s’ra bien!», j’ai cédé. Il faut dire que cela faisait quelques jours que des retours dithyrambiques arrivaient à mes oreilles. On me disait que c’était à mourir de rire. Du Bruno Dumont? À mourir de rire? Et puis quoi encore? Voulant faire honneur à mon prénom, je me suis donc dit qu’il fallait que je vérifie ça de mes propres yeux, puisqu’il paraît que je ne crois que ce que je vois.

Par TG, le 15.09.2014 - Ed. 29

Réalisé par: Bruno Dumont
Avec: Bernard Pruvost, Philippe Jore, Alane Delhaye, Lucy Caron, Corentin Carpentier
Genre: Comédie

étoile_5

P'tit Quinquin

Sorti de nulle part

Jusqu’en 2013, le réalisateur français Bruno Dumont n’avait pas franchement cherché à nous faire rire. De La Vie de Jésus (1997) à Camille Claudel 1915 (2013) en passant par Flandres (2006) ou encore Hors Satan (2011), cet enseignant de philosophie devenu cinéaste était surtout connu pour avoir fouillé la laideur et la violence du monde humain en tentant à chaque fois d’y déceler une once de lumière, si infime soit-elle. Que ce soit pour raconter la vie d’un jeune chômeur ou faire le portrait d’un homme brisé dans le Nord de la France, Dumont a toujours été très proche de ses personnages (régulièrement interprétés par des amateurs) qu’il plongeait dans une réalité on ne peut plus concrète. Souvent mis dans le même panier que le cinéma des frères Dardenne, le travail de Dumont a été rattaché au «réalisme social» (étiquette qu’il ne cesse pourtant de répudier). Bref, vous l’aurez compris, jusqu’ici, le cinéma de Bruno Dumont, c’était pas l’éclate. En tout cas, rien ne nous avait préparés à le voir signer ce qui a bien des chances d’être LA comédie de l’année.

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Quoi ma gueule?

Nord de la France: d’étranges crimes sont commis dans les environs d’un petit village côtier. Des cadavres de vaches attirent l’attention. D’autant plus qu’on retrouve des corps humains découpés dans leur charogne. Voilà une idée de départ qui pourrait rivaliser en sordidité avec les séries policières les plus glauques du moment. Mais il suffit de voir débouler le commandant Van der Weyden et son adjoint, le lieutenant Carpentier, pour comprendre que nous sommes ici dans un tout autre registre. Démarches de pantins désarticulés, visages bourrés de tics; la simple vision de ces deux hurluberlus provoque l’hilarité. Van der Weyden (imaginez un croisement entre l’inspecteur Derrick et Colombo) roule les yeux, amplifie chacune de ses expressions pendant que Carpentier tente de philosopher ou de maîtriser son véhicule (sa conduite sera à l’origine d’un nombre incalculable de situations comiques). Bruno Dumont prend un malin plaisir à explorer ces faciès distordus, à filmer en très gros plans ces regards hagards et à s’attarder sur ces expressions outrancières.

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«Au cœur du mal»

Ce comique de geste est encore renforcé par des dialogues savoureux qui jouent sur les répétitions. Dépassé par les événements, Van der Weyden s’exclame inlassablement «c’est quoi c’bordel?!» et, à chaque découverte sordide, il avertit son adjoint qu’ils sont «au cœur du mal» ou que «l’enfer, c’est ici Carpentier!». Autant de figures rhétoriques qui ne font que souligner le fossé qui sépare ces deux flics de cambrousse incompétents de la réalité sinistre à laquelle ils sont confrontés et qu’ils ne parviennent pas à comprendre. Impuissant, le commandant se contente alors de répéter «Gendarmerie nationale!… Faut être sérieux!» avant de tirer en l’air avec son révolver. La première apparition des deux compères en dit déjà long: alors qu’un hélicoptère fait du vol stationnaire au-dessus de leur tête, ils peinent à tenir debout et doivent fournir un effort qui semble titanesque pour adhérer à la surface de la terre.

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P’tit Quinquin

Alors que Van der Weyden et Carpentier tentent de résoudre ces affaires sordides, un groupe de gamins conduit par celui qu’on surnomme «P’tit Quinquin» ne cesse de leur tourner autour. On pourrait s’attendre à ce que le salut vienne de la jeunesse – potentiellement innocente – et pourtant, celle-ci s’avère aussi à moitié déglinguée. Loin d’être plus étanches que les adultes, les enfants vont accumuler les crasses (qui vont du gentil pétard aux violentes agressions racistes) et donner du fil à retordre aux enquêteurs. Les adolescents ne sont pas en reste, à l’image de la grande sœur de la complice du P’tit Quinquin qui rêve de passer à la Star Academy mais qui chante comme une casserole et qui ne semble connaître qu’une seule chanson qu’elle répète ad aeternam ou plutôt, ad nauseam.

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Des acteurs amateurs

Cette série et son humour désopilant gagnent une nouvelle dimension lorsqu’on sait que les acteurs sont tous des amateurs. Par exemple, dans la vie, Bernard Pruvost (qui tient le rôle du commandant Van der Weyden) est un jardinier au chômage. C’est alors qu’on se rend compte que les expressions dont on se moquait si généreusement sont en vérité des tics dont souffre véritablement l’acteur. Stressé par la caméra et le conditions de tournage auxquelles il n’est pas habitué, il ne peut s’empêcher d’amplifier chacune de ses mimiques. Bien sûr, le comique à la limite du burlesque qui en résulte n’a rien de raffiné mais il ne s’avère jamais moqueur ni voyeur et ce jusque dans les scènes tournées avec un handicapé mental.

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Le pire par le rire

Pour autant que cet univers décalé soit à votre goût (on pense parfois à l’humour «grolandais»), les quatre épisodes du «P’tit Quinquin» risquent bien de vous procurer de belles tranches de rigolades. Les gags fusent, viennent de partout, surgissent sans prévenir à l’image de la vaisselle lancée sur la table par un couple de vieillards. Parmi les moments les plus fous (comprenez: ceux pendant lesquels on rit au point d’en avoir des crampes), on retiendra la scène de l’enterrement d’une victime qui tourne à la farce et que Bruno Dumont étire sur de nombreuses et délirantes minutes.

Au final, l’utilisation du rire de Bruno Dumont a quelque chose de salvateur. En nous plongeant au cœur de la France profonde, le réalisateur fouille à nouveau l’humanité dans ce qu’elle peut avoir de plus sombre et de plus idiot. Mais cette fois, le rire ajoute une franchise (car avec le rire, on ose tout) et une émotion particulière au tableau. Une émotion qui rend ces personnages profondément attachants.

P'tit Quinquin

 Bande annonce

Arte 
Jeudi 18 septembre 2014: 20h50 (épisode 1: L’bêt’humaine)
Jeudi 18 septembre 2014: 21h40 (épisode 2: Au cœur du mal)

Jeudi 25 septembre 2014: 20h50 (épisode 3: L’diable in perchonne)
Jeudi 25 septembre 2014: 21h40 (épisode 4: … Allah Akbar!)

Les quatre épisodes seront disponibles en VOD dès le 18 septembre au soir.

Sortie DVD & Blu-Ray: le 7 octobre

Pour les plus pressés, le premier épisode est déjà disponible sur le site de Télérama


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