Kung Quoi?
On me signale que le lecteur au fond à gauche ne sait pas de quoi nous parlons. Pour ceux qui ont fait le choix salutaire d’être «déconnecté», sachez que Kung Fury n’est pas le nom d’un restaurant asiatique, ni d’un club d’arts martiaux. Non, Kung Fury est en réalité un moyen-métrage produit en partie grâce au financement participatif. En 2013, le projet d’un film rendant hommage aux séries B les plus miteuses apparaît sur Kickstarter. Si le réalisateur David Sandberg parvient à rassembler 200’000 dollars, il promet la sortie de Kung Fury. Afin de motiver les internautes à soutenir son projet, Sandberg publie une bande-annonce qui transpire les années 80. Jugez plutôt:
La recette du succès
Synthé + nostalgie des années 80 + des explosions + des nazis + de dinosaures + des vikings = le cocktail parfait pour vous garantir le succès. Et ça n’a pas manqué. La bande-annonce a fait le tour du monde et David Sandberg a récolté plus de 630’000 dollars en un mois sur Kickstarter. Deux ans plus tard, voilà que le film est soutenu par David Hasselhoff himself dans un clip tout droit sortie d’une autre époque. Mieux (ou pire, c’est selon), Kung Fury se voit sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes. Disponible sur YouTube depuis la fin du mois de mai, le film a déjà accumulé plus de 10 millions de vues, prouvant, si besoin était, que la nostalgie est une affaire qui roule.
Fun mais sans surprise
Si Kung Fury remplit parfaitement son contrat (du fun et de la surenchère décomplexés), il s’avère également sans surprise et flemmard dans son écriture. Rassemblant un maximum de clichés, une forte odeur de produit bien calculé se dégage de ces 30 minutes, à tel point qu’on a l’impression que la bande-annonce se suffisait à elle-même. C’est pourquoi j’aurais tendance à plutôt vous conseiller la fabuleuse série australienne Danger 5 qui joue avec les mêmes clichés et références que Kung Fury mais qui bénéficie d’une écriture plus soignée et ne souffre pas de problèmes de rythme. Infiniment plus original, Danger 5 propose un univers personnel qui ne se contente pas d’aligner les clichés gros comme des tyrannosaures. En bref, Danger 5 est doté d’une âme – ce qui fait cruellement défaut à Kung Fury – et s’avère donc tout de suite plus attachant.
Danger 5
Créé en 2012, Danger 5 est une série produite par la chaîne de télévision publique SBS ONE, soit l’équivalent australien de la RTS (!). Mettant en scène les aventures d’une équipe internationale formée de cinq agents secrets, Danger 5 est certainement ce qui s’est fait de plus drôle dans le genre. Après une première saison nous plongeant dans l’ambiance des films d’espionnage des années 60 et 70, les 7 épisodes de la deuxième saison font la place belle aux néons des années 80.
Comique de répétition
Le principe est toujours le même : en début d’épisode, le boss du Danger 5, le Colonel « Chestbridge », mi-homme mi-aigle, charge ses hommes d’une nouvelle mission. Le briefing se conclut inlassablement par la même phrase « et bien sûr, tuez Hitler ! ». La richesse de Danger 5 repose sur un savant mélange de répétitions et de variations. Si la structure des épisodes est toujours la même, chacun d’eux présente une mission originale et offre son lot de nouveautés. Chaque mission s’achève sur la fuite du Führer que les cinq agents ne parviennent jamais à tuer. Au fil des épisodes, nous retrouvons dinosaures, hommes aux têtes d’animaux et moult références aux cultures populaires et asiatiques mais contrairement à Kung Fury, ces éléments sont ici finement dosés et mieux exploités dans la narration.
Rétro, kitsch, hilarant et outrancier ; Danger 5 est un délicieux pastiche de différents genres qui s’avère à la fois plus fin, plus original et plus divertissant que Kung Fury. En attendant que la RTS produise une série de cette qualité… jetez-vous sur Danger 5.