Chronique
Petite déconnade printanière

A peine les derniers carnavals digérés, les ultimes frimas déconnectés et les premiers rayons solaires émergés, voici que tout s’emballe au nom de cette saison que tout semble ressusciter: le printemps. Prétexte à toute velléité de bonnes intentions surannées du nouvel an, l’homo printanus renaît et se réveille de sa léthargie hivernale. Mais ce doux ronronnement entraîne parfois des explosions biochimiques, physiologiques ou psychiques pas toujours très désirées ou maîtrisées.

Par cégé, le 29.01.2014 - Ed. 7

Les p’tits spatz

Observons la nature, par exemple. C’est la première époque où les oiseaux, animaux, bestioles et ovnis vivants de tous poils, plumes ou ailes n’ont qu’un souci: reproduire l’espèce et assurer la descendance. Qui ne s’émeut pas devant un oisillon, un levraut, ou un bébé hérisson? Mais par contre qui craquerait avec une larve de moustique, un bébé limace ou un têtard? Même si ce dernier n’attend que le moment de perdre sa queue pour se transformer en grenouille et sauter hors du bénitier. Chez l’homo printanus, on ne peut pas vraiment dire qu’on attend cette saison pour faire des petits, même si certains poussent l’entraînement à l’extrême.

Les vertes poussées

C’est vrai que c’est ennivrant, la fièvre printanière. Les premières perce-neiges, les crocus (ne pas oublier le r) ou les primevères emplissent de bonheur les acrimonieux de l’hiver. Les bourgeons mignons éclosent comme sur la mouère d’un ado pubère et s’en donnent à cœur joie. Et la sève qui monte, qui monte; certaines espèces y étant plus sensibles que d’autres…et pas que chez les plantes ou les arbres! C’est aussi le début des allergies, aaa-tchaaa…, des pollens envahissants, du rhume des foins, des fatigues. Ou encore des poissons d’avril, tradition malheureusement en perte de vitesse, et des grandes bouffes de Pâques; diantre, après ce long carême!

Pfff…quel bintz

Le printemps a tout de même des effets bizarres sur l’homo printanus. Certains ont la bêche qui les démange aux premiers frémissements de cramias. Ils retournent la terre avec ferveur pour y planter force trucs verts qui sont sensés pousser tout seuls. Tout l’été, ils passeront leur temps à enlever les mauvaises herbes, quitte à y laisser quelques jointures de vertèbres dorsales. Ils espèrent ainsi renforcer ces légumes dont ils ne sauront plus qu’en faire la saison venue, et quand ils seront au meilleur marché sur les étals. Le printemps, c’est encore le grand raout dans les jardineries, chacun se découvrant la main verte et dépensant bonbon pour quelques fleurs éphémères. Il y a encore les flingués de la tondeuse à gazon qui y vont de leurs décibels à chaque pousse de brin d’herbe qui dépasserait les 2,0465 millimètres, et bien sûr, jamais tous en même temps pour tenter de ne «chnabrer» qu’une seule fois.

Chaud devant

Les effets printaniers ont parfois aussi quelque chose de positif. De retour sur les terrasses qui seront bondées dès le moindre bienfait de l’astre du jour, défileront les décolletés qui s’approfondissent, les jupes qui raccourcissent, les nombrils qui se dégagent et les shorts qui demandent, pour certaines, de moins en moins de tissu. Mais pour les mecs, il vaudra mieux qu’ils descendent un peu plus sur les mollets poilus, parce que le Marcel ne couvre en général qu’une partie de ce système pileux peu gracieux et de l’endroit où est stocké le trop plein de bières. Malgré tout, on pensera déjà à la saison prochaine, où l’on se déshabillera encore un peu plus. On hésitera donc entre les alléchantes grillades sur le barbecue ripoliné et huilé, et la ligne qu’il faudrait garder si l’on veut faire effet à la piscine ou à la plage, avec un ventre plat et des fesses justes bien rebondies exposées aux regards concupiscents.

Quand même des effets néfastes

Mais pour le commun des homos printanus, printemps rime avec overdose de poutze, les «à fond», chasser l’acarien logé dans chaque micro machin, laver, récurer, épousseter, frotter, gratter, racler, poncer. Mister Proper fait briller à tout va, ça doit être nickel du sol au plafond, de la cave au grenier, du réduit au galetas. On met ses vieilles fringues qu’on n’a pas oser filer à Emmaüs, on transpire, on sue, en se disant que ce n’est qu’une fois par année, et on est content: c’est propre, ça luit, c’est suisse. Ben rien qu’avec ça, il l’aura bien méritée, sa fondue, l’homo printanus, comme l’hiver dernier.

Bonne montée de sève à toutes et tous.


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