L’automobiliste lui jette un coup d’œil parfois, sur le coup de 21h52, pressé par la proche fermeture de la «Station Coop». Motivé par l’attroupement de lusophones qu’il aperçoit, il sort, parfois, un vieux cliché trop éculé sur nos amis très poilus mangeurs de morues. Malgré l’indifférence des habitants de Moutier, la Pétermann vit, danse, fume, se muscle, chante, travaille, prie, mange et forme la jeunesse à une saine débauche.
A l’entrée Ouest se trouve donc le Centre Portugais, repaire amical où la crevette à l’ail est délicieuse et vivement recommandée. Prévoir tout de même un tee-shirt de rechange. Dans les étages supérieurs se trouvent un fitness. Si on a une sale gueule, il est normal de mettre le corps en avant. Tout en haut, une petite salle utilisée par des adeptes du yoga. Ces braves femmes pourront, le temps d’une méditation, oublier le réceptacle à bière qui sert de ventre à leur gentil mari. Pour atténuer le dégoût ressenti à la vue de leurs poils nasaux et dorsaux, prévoir deux séances.
Dans l’arrière-cour se trouve un parking très bien utilisé. Il est interdit de s’y parquer même s’il reste toujours plein de places à disposition. Un concept difficile à comprendre. Au fond de cette cour, à droite, se trouve une petite porte toute discrète qui mène, par exemple, chez les nobles travailleurs de Caritas. A nouveau dans la cour, il suffit de la traverser entièrement pour arriver dans ce qu’on peut définir comme l’aile Est du bâtiment. Une fois en ces lieux, au rez-de-chaussée, le visiteur peut essayer d’entrer par derrière et sans payer (pas mal d’hommes rêvent de le faire, en général) au Legend Club, anciennement Caméléon, Villa Caliente, Seven Sky. L’auteur de ce texte décline toute responsabilité en cas de non-réussite de la tentative.
Il existe dans cette aile Est divers locaux, pour la plupart occupés, dont il serait inutile de faire la liste exhaustive. On y trouve notamment quelques artistes ou encore une église bruyante et sympathique, mais surtout bruyante.
Difficile de parler de la «Pétermann» sans évoquer les quelques groupes qui y louent des locaux dans un but scientifique. A mettre à l’actif de ces chercheurs: travaux botaniques, de nombreuses études sur les capacités du corps humain à ingérer des quantités invraisemblables d’alcool et de douteuses recherches sur la plurisexualité ayant amené plus de maladies que de Prix Nobel. En plus de ces louables quêtes, ces groupes proposent aujourd’hui une formation de qualité à tout adolescent qui souhaiterait perdre quelques années de sa jeunesse et ainsi légèrement compromettre son avenir professionnel. Un véritable suivi sera proposé à l’apprenti. Chaque soir, un professeur l’appellera et lui proposera une activité ludique qui l’empêchera, sans doute, d’être efficace et alerte le lendemain.
La «Pétermann» n’est certainement pas le bâtiment le plus sexy de Moutier, plus depuis la création de la Sociét’Halle en tout cas. Il s’agit pourtant d’un réel microcosme prévôtois: certains détestent le voisin parce qu’il est parqué au mauvais endroit ou parce qu’il ne salue pas quand on le croise, certains critiquent les autres parce qu’ils sont un peu noirs ou ont des croyances différentes et certains sont un peu sur la sellette parce que ça fait quand même deux mois que ce fichu loyer n’est pas payé. La «Pétermann» vit toujours et en a encore sous la pédale.