«Ouais tu vois depuis que je suis rentré quoi j’ai plus la même vision du truc quoi… j’veux dire, avant je bossais mes exams, mes études, j’avais une vision fermé du monde, je pensais à mon avenir, je m’en foutais un peu des gens, tandis que maintenant j’suis ouvert sur le monde et à l’être humain en général tu vois…»
«Par exemple tu vois, ici, nous on veut de l’eau on ouvre un robinet, on a besoin de sel ou de riz on va à la Coop, en plus on y va en voiture alors qu’on habite à 5 minutes… Je veux dire t’hallucines on a trop des vies de cons ici…»
«Cette société de consommation ici ça me donne envie de vomir… Là-bas les gens y ont un rapport aux choses, à la nature et aux autres qu’est carrément plus direct, j’veux dire, y ont rien mais y te donnent tout, c’est hallucinant comme y sont ouverts, ils ont le cœur sur la main quoi tu chiales…»
«Mais bref tu peux pas comprendre, toi t’es jamais allé là-bas, t’es trop fermé dans ta tête… bon excuse moi y faut que j’y aille je vais m’acheter un nouvel IPhone j’ai laissé le mien à ma famille d’accueille là-bas comme ça eux aussi y peuvent jouer à Candy Crush Saga maintenant!»
Cette discussion vous semble familière? Pas d’inquiétude c’est tout à fait normal! C’est à peu de choses près «le discours type» du gars qui vient de rentrer d’un long voyage humanitaire!
T’as trop changé!
Mais même pas besoin de parler avec cette personne pour se rendre compte qu’il n’est plus tout à fait lui même depuis son retour!
En effet, certains signes physiques, visuels, voir même olfactifs ne trompent pas; perte de poids due à 2 mois de «Tourista» combiné à quelques crises aiguës de Malaria, vêtements «ethnos» de fabrication artisanale en laine de yak sauvage, offert gracieusement par la famille d’accueil, odeurs corporelles douteuses du fait d’une récente et fréquente diminution des passages à la salle de bain, coupe de cheveux traditionnelle qui trahit la récente destination dudit voyage: tresses africaines, dreadlocks ou encore les inimitables tresses plaqués qui laissent apparaître un crâne aussi blanc que les neiges éternelles du Kilimandjaro!
Et tout ça n’est rien en comparaison de cette mystérieuse aura qui ne quitte plus le visage de nos charmants compagnons; cette béatitude idiote qui n’est en réalité que le reflet de leur toute nouvelle certitude: Eux ont trouvé un véritable sens à La Vie avec un grand V… vous non!
D’ailleurs il ne fait plus aucun doute dans leur esprit qu’ils repartiront au plus vite pour continuer d’aller aider leur prochain un peu partout sur la planète… C’est tellement gratifiant…
En vérité!
Oui mais tellement gratifiant pour qui? On finit par se demander s’ils font réellement ça pour aider leur prochain ou si ça ne serait pas plutôt pour leur propre développement personnel!
Se servir de la misère du monde pour se sentir mieux dans sa vie et plus en accord avec son «moi-profond»?
Non, une telle hypocrisie ne serait pas possible…
De toute manière la question ne se pose pas puisque le 99% de ces courageux humanistes ne repartiront jamais! Enfin si, en vacances conventionnelles sur la Costa Brava ou au Sud de la France avec les copains! Mais plus dans les régions pauvres et reculées du globe… La misère, une fois, ça suffit!
Certes, ils continueront d’échanger quelques lettres avec leur famille d’accueil respective durant quelques temps, histoire de prendre et donner quelques nouvelles, mais finalement ces personnes si exceptionnelles qui les avaient accueillis à bras ouverts avec leur coeur sur la main retomberont tôt ou tard dans l’oubli duquel on les avait sorti!
Comme on dit souvent, les vieilles habitudes ont la vie dure, pour les humanistes comme pour les autres d’ailleurs. Et quand on est né le cul dans la soie, bien au chaud en Suisse, on supporte mal de dormir plus d’une fois les fesses dans la paille au fin fond du Burkina-Faso!
Bien sûr, beaucoup encore essayeront de se prouver le contraire, en allant combattre la misère à travers le monde… Mais une fois de plus, la démarche ne sera qu’uniquement personnelle et non pas désintéressée comme elle devrait l’être dans un monde parfait!
En espérant que ces quelques lignes ne découragent pas les suivants à essayer encore et encore! Il en ressort bien entendu toujours quelque chose de positif…
Quant à savoir pour qui, ça c’est une autre histoire… Mais finalement, qui ça intéresse?