«Salut Coco!
Tu ne me connais pas encore? Je me présente:
Moi je personnellement, tu vois, la photographie, c’est ma passion!
Non.
La photographie, c’est ma vie!
Entre mon œil et un capteur plein format: plus de différence!
Oléééé!
Je clique comme je respire.
J’immortalise tout ce qui bouge.
Je suis l’as du flash!
Le professionnel de la photographie amateur!
Le maître de l’effet bokeh!
Le roi du zoom!
Et je suis……»
Tout le monde connaît au moins un (dans le meilleur des cas) photographe autoproclamé envahissant. Et pour cause, voilà quelques années qu’ils sont partout. Ils poussent aussi vite que la mauvaise herbe. Ils nous étouffent. Ils nous assiègent de demandes de «like» sur Facebook. Pour sûr, ils sont nombreux, mais ils ont tous un maître, un sifu, pour ne pas dire un gourou auquel ils vouent un véritable culte. J’ai nommé: «le Roi du zoom».
«La photo? Faciiiiiiile!»
Le Roi du zoom est enthousiaste par nature. Rien ne lui fait peur. Aucun défi ne lui paraît insurmontable. S’inventer photographe? «Faciiiiile» qu’il vous dit. Au fond, ce n’est pas tant la photo qui l’intéresse. Il aurait très bien pu s’orienter vers la peinture ou la musique. Mais un jour, il a mis la main sur un appareil qui traînait par là, il a pressé dessus et s’est dit: «chouette, une image. Je pourrais en faire un art… Avec un peu de chance, j’en tirerai de la gloire». Et voilà comment tout a commencé. La suite de l’histoire, elle se passe essentiellement sur internet. Véritable couveuse de talents imaginaires.
À la recherche de la gloire… sur Facebook
«Hééé copain, t’as déjà vu mes photos? Je suis à la recherche du 847ème membre sur ma page professionnelle? Ça te dit de la liker? À ne pas confondre avec mon compte privé hein! Ouais j’ai plusieurs comptes. Faut c’qui faut tu vois.» Voilà le genre de message que le Roi du zoom peut vous envoyer encore et encore… Et encore… Indéfiniment jusqu’à ce que vous cédiez et que vous cliquiez. Car son égo, le Roi du zoom le gonfle aux clics, ou aux «j’aime» pour être plus précis. Facebook est son terrain de chasse privilégié. Il est en effet bien plus facile d’impressionner ses amis (pétris d’objectivité et doués d’un sens critique très développé, assurément) plutôt que d’aller s’exposer aux remarques d’experts sur Flickr (le site internet de référence en matière de partage de photos, connu pour être fréquenté par des professionnels).
Du matos et du bidouillage
Le Roi du zoom est à la photographie ce que le BigMac est à la gastronomie. Photoshop est son exhausteur de goût. Les contrastes à fond, des effets de flou (aussi appelés «bokeh») à outrance, emballez c’est pesé, il ne reste plus qu’à partager, «liker» et commenter! La photographie a cet avantage qu’un bon matériel et de bons programmes suffisent à en mettre plein la vue et ce, malgré une absence de talent et de sens de l’image.
C’est grave docteur?
Comment expliquer un tel besoin de reconnaissance et de gloire? Car finalement, le Roi du zoom ne manifeste rien d’autre qu’un besoin excessif d’être admiré. Son «sens grandiose de sa propre importance» et sa «fantaisie de succès illimité, de pouvoir, de splendeur, de beauté» seraient-ils les symptômes d’un trouble de la personnalité narcissique?
Le nouveau Narcisse
Le Roi du zoom serait donc la réincarnation de ce bon vieux Narcisse. Personnage de la mythologie grecque bien connu pour être mort à force d’observer son reflet dans une source.
En témoigne sa manie de se prendre lui-même en photo. Constamment, au milieu des paysages et portraits de ses amis (bien qu’il s’agisse plus souvent d’amies, on se demande pourquoi…), vous trouverez un autoportrait du Roi du zoom. Alors que les autoportraits des plus grands artistes se comptent sur les doigts d’une main, le Roi du zoom semble toujours vouloir nous rappeler qui tient l’appareil.