Gagygnole c’est de la gnôle, mais c’est surtout Gagy. Gaetan Gyger pour sa maman et les intimes. Fils de menuisier reconverti dans le social, c’est sous la ferme familiale, dans la cave, qu’il commence à faire joujou avec les vapeurs d’ethanol. Pas grand chose le destinait à s’inventer alchimiste, c’est grâce à un apprentissage de paysagiste que Gagy découvre la bière. On est pas encore dans l’artisanal, on parle plutôt canettes à ce moment là. Quand il y en a plus il y en Anker. Gentiment, la qualité passe avant la quantité et Gagy s’en va à la ville, à Genève, afin d’entamer une formation d’architecte du paysage qu’il abandonne rapidement. En abandonnant les canettes chaudes sans gaz, il découvre la chance qu’il a de vivre dans le Jura bernois. Prise de conscience. L’architecture du paysage ne l’intéresse pas vraiment au fond, trop de concurrence, que du paraître. Ce n’est pas travailler dans les parcs aseptisés de Calvingrad qui l’intéresse, mais plutôt le verger et les champs derrière la ferme familiale. Un retour aux sources. C’est ainsi qu’il a débuté une formation d’ingénieur agronome, bien plus proche de ses convictions et de sa vision du monde. En parallèle à son élévation spirituelle et ses pérégrinations scolaires, c’est avec son paternel qu’il creuse les racines de gentiane.
La gentiane, voilà la belle plante qui fera tourner la tête à Gagy. Sa plante fétiche. La plante la plus emblématique de nos régions selon lui. Une plante qui se fait attendre, qui se fait désirer, une plante avec du caractère. A l’époque on l’utilisait pour se soigner ou faisait office de bouquet pour la mariée. Si son papa la récolte pour en faire de l’eau-de-vie notre apprenti chimiste a d’autres plans. Il s’intéresse au sujet, fait des recherches, fouille et farfouille. Il remarque ainsi qu’en plus de l’eau-de-vie et de la Suze, il y a bien d’autres moyens de la sublimer. Son but est de donner un coup de jeune à la reine de nos montagnes, mais surtout de montrer qu’il est possible de créer un alcool régional, dans le respect de la nature. C’est ainsi qu’il se lance dans le vif du sujet. Pour le plaisir, toujours. Il va tester, échouer, recommencer, jouer en somme. Après quelques échecs, il arrive à un apéritif qu’il fait goûter à ses potes. Les retours sont bons. Après de dures tractations qui feraient passer les discussions sur le nucléaire iranien pour de la petite bière, le Petit Ju a réussi à se fournir la liste d’ingrédients. Exclusivité. Prenez du vin blanc, des écorces d’oranges et de citrons, des écorces de racines de gentianes-séchées-récoltées-non-loin-du-Paradis (comprendre Souboz), faites macérer le tout et vous obtiendrez la sainte Soubozianne. Gagy a trouvé sa recette miracle, il lui reconnait des vertus médicinales et même aphrodisiaques, c’est selon l’intensité de l’apéro dit-il en souriant. Gagy a réussi son pari; créer une boisson nouvell sur la base d’une plante ancestrale.
Sa Soubozianne se fait gentillement un petit nom auprès de ses amis et c’est ainsi qu’il commence à en produire régulièrement. Attention, le principal intéressé tient à préciser que ce n’est pas pour capitaliser qu’il a débuté la vente, mais simplement pour répondre à la demande. Pas de précipitation donc du côté de Souboz, mais il faut néanmoins se mettre en ordre du point de vue légal. Un nom d’exploitation est exigé, c’est ainsi que naîtra Gagygnole. Nous sommes à la fin de l’année 2013 et gentiment, l’apéro de Souboz se fait un nom dans la région, les commandes sont régulières. Son frère Tim vient à la rescousse et prend le poste de Strategic Planner & Marketing Director. Gagy fait aussi appel à une graphiste afin de donner une image à ses bouteilles. Si à première vue on pense remarquer une certaine professionnalisation chez Gagygnole, il assure qu’il en est encore bien loin. Son but est ailleurs, ce qu’il désire est sensibiliser les jeunes. Leur montrer qu’il est possible de créer quelque-chose de bon, d’original avec un produit de la région.
«Le Jura bernois est riche, mais il ne le sait pas»
Les gens ne sont pas dupes, gentillement une prise de conscience est entrain d’émerger, surtout chez les jeunes assure-t’il. «La traçabilité, une histoire, un goût, voilà ce que l’on attent d’un produit bio» L’affaire des lasagnes de boeuf au cheval en sont un bon exemple, les gens veulent savoir ce qu’ils ont dans leur assiette ou dans leur verre. Il fait cependant remarquer qu’aujourd’hui, le bio est partout. MacDo a refait son logo à la couleur chlorophylle pour coller à la tendance et depuis quelques jours, Coca-Cola a suivi grâce à sa nouvelle bouteille «Life», verte aussi. Afin de Pour démêler le vrai du faux, le mieux est d’avoir un contact avec le producteur, de discuter, de s’intéresser. Être curieux. Sensibiliser les jeunes avec de l’alcool peut paraître paradoxal, mais Gagy ne se voile pas la face. Il est bien plus facile de vendre le fait-maison avec de l’alcool plutôt qu’avec un fromage.
Aujourd’hui, ce sont 700 bouteilles de Soubozianne qui ont été écoulées soit par la vente directe ou à travers des auberges de montagne, quelques restaurants et une poignée de bars. La grande majorité a été écoulée dans la région. Exporter dans toute la Suisse n’est pas le but de l’entreprise il n’exclut cependant pas de s’ouvrir aux marchés neuchatelois, bernois ou jurassiens. Aucune chance cependant de trouver un de ses produits à la Coop ou à la Migros, ce qu’il désire c’est la proximité et le contact avant tout. Si la Soubozianne est sont produit phare, pas question pour autant de s’arrêter à jouer avec les vapeurs d’alcool. En 2014, une liqueur de poire est venue se ranger à côté de la Soubozianne. Répondant au doux nom de Lady Gagy, cette liqueur est là pour plaire à la gente féminine. Pas question de brader la quantité à la qualité, ce sera une nouveauté par année. Pas plus, pas moins. Une fois ses études d’agronomie terminées, son but ultime sera de concilier son métier à sa passion. Produire toute la matière première puis la transformer. Tout un programme.
Son nouveau terrain de jeu est la bière. Depuis quelques années maintenant, les micro-brasseries sont en vogue. Mis à part la fameuse BFM qui n’est plus tant micro que cela, une multitude de brasseurs se sont mis en tête de retrouver le vrai goût de la bière. A Souboz aussi on cherche à retrouver le vrai goût du houblon, mais une production destinée à la vente n’est pas à l’ordre du jour. Pour le moment, Gagygnole en est à l’expérimentation. Gagy nous explique que le marché est saturé, que ça ne vaut pas la peine de lancer une énième bière. Avant cela, il faudra trouver la recette d’un breuvage original afin de pouvoir se faire une place au soleil. La piste d’une bière aromatisée à un produit régionale est sérieusement étudiée dans les laboratoires Gagygnole, mais c’est secret paraît-il… Bois donc, tu verra après!