Portrait chinois
Notre noctambule, avec qui nous avions rendez-vous au bar de la Migros delémontaine (peut mieux faire), s’est prêté au jeu du portrait chinois:
Le Petit Jurassien: Si tu étais un pays?
Hakim: J’ai déjà deux pays en moi. Je suis tout autant la Suisse que le Maroc. Je suis pleinement les deux.
Le Petit Jurassien: Si tu étais une ville de Corse?
Hakim: Je ne serais pas une ville mais l’île entière plutôt.
Le Petit Jurassien: Si tu étais une montagne?
Hakim: Le Mont Tchebeu.
Le Petit Jurassien: Si tu étais une rivière?
Hakim: C’est quoi le nom de la rivière à côté de nous là, la Sorne ? Alors la Sorne.
Le Petit Jurassien: Si tu étais une chanson?
Hakim: Follow the Leader – Eric B and Rakim
Le Petit Jurassien: Si tu étais une musique de film?
Hakim: Le bon, la brute et le truand!
Le Petit Jurassien: Si tu étais une discothèque?
Hakim: Le 138.
Le Petit Jurassien: Si tu étais un instrument de musique?
Hakim: La harpe pour sa douceur et le saxophone pour sa sonorité.
Le Petit Jurassien: Si tu étais un type de danse?
Hakim: Le Popping.
Pas de doute, entre le mont Tchebeu, la Sorne et le 138, nous avons bel et bien affaire à un pur produit de la région sans pour autant en être un stéréotype inintéressant. Voyons ce que cache cette carrure de titan.
Platine et platane
Après 3 ans passés à Yverdon pour y apprendre le métier d’horticulteur, il revient dans son Jura natal pour tenter d’y exercer sa profession fraîchement acquise. Les places pour cultiver des poires et autres fruits ou légumes sont inexistantes. Cela ne l’empêche pas pour autant de flirter avec la nuit à la Coupole de Bienne. Sa relation avec le milieu de la danse hip-hop n’avait pas commencé là. A savoir qu’il a connu sa première scène à 13 ans avec le groupe «hip-hop force» et ne s’est pas arrêté en si bon chemin. Il a côtoyé de nombreuses soirées en multipliant des petits boulots à gauche à droite. Gorgé de ces expériences comme le seraient des légumes par la lumière du soleil, il commence à partir de ses 20 ans à planter ses graines, à organiser des soirées et événements dans la mouvance hip-hop. Le milieu commençait (il y était bien obligé par la force des choses) de lui faire une place.
Du break-dance à l’éducateur
Au-delà du beatbox, du deejaying, du break ou autre phénomène pour le moins barbare pour qui n’est pas initié, l’une de ses fiertés est d’avoir propulsé des jeunes Delémontains sous les projecteurs du Hallenstadium à Zurich. Il a donc créé un groupe de break-dance, les «Mondele Breakers», composé de ces mêmes jeunes âgés alors entre 10 et 13 ans. Après deux ans de travail, il les a inscrits au championnat Suisse de break-dance «Battle of the Year». Ils se sont qualifiés en étant 4e et ont remporté le prix de la meilleure chorégraphie. Cela leur a permis de démontrer leur savoir-faire devant un parterre de spécialistes du break-dance. Après cette expérience avec ces adolescents, Hakim a reçu une proposition pour devenir le premier éducateur de rue du Jura. Bon, en même temps, Delémont n’était pas le Bronx. Mais à l’époque, il y avait matière à travailler.
Big bro
Son expérience du terrain, son contact avec les jeunes étaient forts appréciés et recommandés de la part d’éducateurs « classiques » dirons-nous. « Ils avaient des idées d’un autre siècle. Ils étaient dans leur réalité à eux, dans leurs manuels qui disaient c’est comme-ci comme ça » nous raconte-t-il. « Ces gens ont un autre vécu que les jeunes venant des balkans » précise Hakim qui nous rappelle aussi, qu’à l’époque ce n’était pas de tout repos pour certains de ses collègues. Par la suite, il a été invité dans différents centres de jeunesses pour faire part de sa pratique. Cette pérégrination lui a valu le surnom de « grand-frère » (précurseur de l’émission de TF1 ?).
Reconnaissance
Avec cette nouvelle fonction (mais sans la voiture), il s’est rendu dans la Romandie pour y rencontrer les jeunes, discuter de la culture hip-hop, donner des cours de danse ou animer des ateliers dans des écoles. Sa notoriété chez les jeunes comme les moins jeunes était acquise. Pour preuve, lors de l’instauration d’un couvre-feu en vieille ville de Delémont, le chef de service de la police Gilles Loutenbach l’a contacté. Il devait réaliser des pancartes pour que toutes les communautés représentées puissent comprendre les instructions du couvre-feu. Ce n’est qu’un mandat parmi d’autres que Hakim a reçu de la part des autorités. Un fait qui indique alors que l’on peut être un jeune avec une casquette de travers, des habits trop larges et aimer se faire tourner sur la tête et prendre part activement, positivement à la vie de sa commune.
AKDJ
Avec ses expériences de la rue et des platines, il pratique maintenant sa pédagogie à l’académie des disc-jockeys à Delémont. Ses élèves, entre 13 et 25 ans, viennent y apprendre et comprendre les techniques de base. Après une ou deux années, ils peuvent passer leurs diplômes officiels lorsque Hakim les estime prêts. Au-delà de la technique, il s’efforce de leur apprendre un savoir-être en tant que DJ «à respecter son repos surtout dans le milieu de la nuit, à donner le temps à tes yeux de tout voir» dit-il. Pousser la jeune génération à s’intéresser à tout style de musique, faire preuve d’ouverture d’esprit et ne pas se cantonner aux 15 derniers tubes. Il n’hésite pas non plus à recadrer le jeune DJ trop présomptueux. «Aie le respect des anciens et le respect des autres» conclut-il ainsi notre entretien.
Hakim le DJ
A la question «comment distingue-t-on le bon DJ du mauvais DJ?» il répond: «Le bon DJ est celui qui comprend les gens, celui qui sait faire venir le groupe de personnes à cette table sur ta piste. Le mauvais DJ, c’est celui qui mixe pour lui, qui ne regarde pas les gens et qui n’a pas une ouverture d’esprit et se concentre sur un seul style de musique.» A présent, si vous voulez connaître un peu plus ce monument et danser sur sa musique, vous pouvez le retrouver au Stage club à Delémont derrière ses platines.
Site de l’AKDJ: www.akdj.org
Lancement de l’AKDJ au stage club
LA LEGENDE !