Le philosophe moraliste: «Il faut pas…»
La possibilité de publier des statuts a tendance à piéger certains utilisateurs Facebook, qui, en pleine de confiance et forts de leurs convictions, profitent de la bienveillance tacite de leurs amis virtuels pour s’avancer et clamer haut et fort la morale bien-pensante universelle, tel un ambassadeur à la tribune de l’ONU. Ces anges du Bien (parce que le Mal, c’est mal), souvent agrégés en philosophie morale niveau Wikipédia, portent l’épée blanche et lumineuse à deux mains, nous éblouissant du même coup avec des citations tirées, on le jurerait, des meilleures séries hollywoodiennes, bien droites, comme il faut. Sur Facebook, le philosophe moraliste adore condamner. Il condamne tout, tout le temps. Les injustices, les crimes, la violence, le système, tout y passe. Les habitués ont tous dans leurs amis ce justicier Facebook, qui, doublé d’un rebelle, nous gratifie régulièrement de réflexions coup de poing à la moindre polémique; ces «Stop à la violence» et «Halte aux injustices» sont vraiment efficaces. Pour nous faire rire ou pleurer.
Le supporter: «Gros match»
Les supporters et autres mordus de sport ont leur part du gâteau sur Facebook également, et pas une demi-tranche. Quand les stades deviennent trop petits pour qu’ils puissent faire étalage de leur intelligence, le réseau social devient l’endroit rêvé pour revendre leurs analyses sportives subtiles, et évidemment objectives. Et comme en sport, chacun sait mieux que l’autre, on a souvent droit à une salve de commentaires incendiaires et de débats immodérés. La dose devient particulièrement dangereuse les soirs de match ou en période de Coupe de Monde et autres compétitions internationales. Si vous n’aimez pas le sport, il est vivement conseillé de suspendre son compte Facebook pendant ces périodes, ce qui vous évitera une inévitable surchauffe. Parce qu’à voir systématiquement les fans de l’équipe gagnante pavaner «Gros match et victoire méritée de l’O.M.S Ingelmunster ce soir» (club de 4e nationale A belge), alors qu’en face les fans du K. Sassport Boezinge (autre club de 4e nationale A belge) n’auront cesse de s’en prendre à l’arbitre pour ce pénalty offert (c’est toujours plus simple), y a de quoi péter une durite. Et sinon, au moins, vous connaîtrez le résultat (en plus, de 4e nationale A belge.)
Les photographes envahissants et rois du tag
Voilà certainement le type d’accroc Facebook le plus répandu, dont le comportement sur le réseau semble endémique, et qui tend à se diviser en de multiples sous-groupes. Si vous êtes sur Facebook, alors impossible d’avoir échappé au photophile et à ses déversements de photos. Là, plusieurs profils existent.
Il y a d’abord les photographes compulsifs, qui créent trois albums par mois, avec chacun 300 photos (au bas mot), pour chaque sortie, vacances, événement, concert. Eux, ce sont les fines gâchettes du zoom, vivre la vie n’est pas suffisant, profiter du moment n’en vaut la peine que s’il envahit ensuite le mur de ses amis. Ce sont aussi les professionnels du tag. Une photo sans tag, c’est comme du roastbeef sans mayo: ça n’a pas d’âme.
Deuxième type de photophile très fréquent, le photographe artiste autoproclamé. Pour lui, il s’agit plutôt de faire dans la qualité que dans la quantité. Il aime bien les filtres prédéfinis en tous genres, venus d’Instagram ou Photoshop, qu’il additionne parfois, histoire que la photo soit vraiment dans des tons écoeurants. La démarche artistique est d’ailleurs si profonde que les plus grands d’entre eux donnent des noms à leurs clichés. Pour de vrai.
Enfin, il y a les photophiles égocentriques, les empereurs de la photo de profil. Il n’est pas ici question de nombre ou de qualité. La photo n’en vaut la peine que si elle est potentiellement utilisable pour remplacer sa photo de profil actuelle. Le recadrage, ils connaissent; bah oui, pourquoi laisser ses amis sur la photo quand on est si beau soi-même, à faire une grimace ridicule.
Les jeunes parents épanouis: «caca pipi tout mimi»
Classe importante, non pas quantitativement, mais par sa propension à nous désespérer au plus haut point, les jeunes parents épanouis sont un type tout à fait unique d’accrocs à Facebook, qui pousseront certainement le taux de naissances vers le bas ces prochaines années. Le concept est simple. Il suffit de dire tout ce que fait bébé à la maison, et de le prouver photo à l’appui. Malheureusement pour les mômes, ils se retrouvent sur Facebook avant même qu’ils puissent se reconnaître dans un miroir, dans des positions inconfortables sinon ridicules que seuls les parents béats semblent trouver mignonnes. Pourtant, certaines personnes adorent savoir que Gaston, fils de Jules-André et d’Annette, a fait un caca à la consistance plutôt dure, tirant sur la marron foncé par endroit: ce sont d’autres parents épanouis, qui, non contents d’aimer la photo et sa description, en rajoutent une couche par des commentaires de science-fiction, comme un «c’est chou». Finalement, c’est un peu comme jouer à la poupée, mais à 25 ans passés. C’est chou.
Les pages en manque d’affection: «1000 likes et on…»
La dernière catégorie (de notre typologie), ce sont les fameuses pages qui en veulent plus, parce qu’elles ne sont pas assez aimées. Parmi la diversité de pages qu’il nous est donné d’aimer, dans l’offre monumentale d’idioties que le réseau nous permet de liker, demeurent certaines pages qui nous tiennent à coeur. Parfois néanmoins, on se rend vite compte que la personne qui gère la page est vorace et ne se lassera pas d’affoler nos notifications, par son partage de masse, et c’est alors qu’on se rend compte de notre erreur. Gratter un maximum d’adhérents à la page, voilà la finalité, quitte à vendre son âme au diable, et promettre la lune. On a tous été victimes des procédés marketing très sophistiqués de certaines de nos pages favorites, qui vous mettent l’eau à la bouche pour mieux vous attirer dans leurs filets: «A 946’532 likes, on vous offre…».
Un cas récent a d’ailleurs attirer l’attention. Un petit journal d’information jurassien a promis une édition gratuite à 1000 likes. Bon, il faut lui laisser: c’est pour une bonne cause. Et puis si c’est gratuit…