Qui part à la chasse...
La Fleur au Fusil

Pour une poignée d’irréductibles, l’arrivée de l’automne revêt une saveur particulière. Les journées se font plus courtes, le vert chavire au rouge, c’est l’heure du chasseur.

Par SM, le 03.11.2015 - Ed. 40

La chasse, une activité préhistorique qui s’est maintenue jusqu’à nos jours. Cette longue histoire de «je t’aime moi non plus» entre l’homme et la nature n’est cependant pas le fruit du hasard mais a été le moteur de l’humanité. Pendant des centaines de milliers d’années, la chasse a permis à l’homme de survivre. Dans notre époque contemporaine, la chasse a été reléguée dans la rubrique loisir. Critiquée, associée à la mort et à la cruauté, la chasse est mise à mal par une société à l’hygiénisme latent. Le végétarisme ne suffit plus, les vegans sont sur le devant de la scène. Même l’OMC désavoue les mangeurs de viande suite à une étude ayant fait couler beaucoup d’encre: manger de la viande rouge augmente le risque de contracter un cancer du colon. Face à la morale bien-pensante de l’homme envers la nature, se tient le chasseur, grand carnivore assassin, stoïque.

Le chasseur est un homme de paradoxes. Si l’on prend la peine de lui demander ses motivations dans la pratique de sa passion, il y a fort à parier qu’il mettra en avant son amour de la nature. Il faudra alors s’attendre à ce qu’il vous raconte les rayons de soleil qui percent la brume ou le voir s’attendrir sur les bourgeons printaniers. Et oui, sous ses airs rustres et bourrus, le chasseur peut parfois étonner par son émerveillement face aux spectacles de Dame Nature. Dès lors, comment expliquer que cet amour de la nature se traduise par un coup de feu synonyme de mise à mort? Ces deux conceptions semblent à priori antinomiques. D’un côté la mort, de l’autre la vie. Le chasseur, arbitre sur le fil, la fleur au fusil. Il faut avouer que pour une large couche de la population, ce dilemme semble insoluble. Le bien contre le mal, le manichéisme dans toute sa noblesse. 

Pour la Majorité, la nature prend le rôle de sanctuaire, un endroit sacré, inviolé. 54% de la population mondiale vit aujourd’hui en zone urbaine. L’homme a troqué le vert contre le gris des villes. Il devient gentiment étranger à la terre, une déconnexion avec la nature s’opère. Après des milliers d’années d’histoires, l’être humain s’est séparé de l’environnement qui l’a vu naître. Ainsi, une fracture se révèle. L’homme devenant étranger à la nature, son rapport avec cette dernière se métamorphose. La nature n’est plus le berceau de l’homme mais devient un fantasme. La nature est idéalisée par la majorité de la population qui s’en construit une vision idéaliste. Les grands espaces sauvages sont associés à la paix et à l’harmonie. Dans cette vision d’une nature-musée, l’homme se met sur un pied d’égalité face au règne animal. Les valeurs contemporaines et universelles d’une société égalitaire, non-violente, bienveillante et solidaire ont quitté les rapports exclusivement humains pour également gagner les forêts. Le chasseur se retrouve sous la critique pour son comportement contraire aux valeurs fondamentales. 

Cette vision souffre néanmoins d’un manque de recul sur le passé de l’être humain. Depuis des millénaires, l’homme entretient un rapport de prédation sur la nature. Le rapport entre l’être humain et son environnement n’a jamais été et n’est pas égalitaire. Depuis toujours, l’humain adapte l’ environnement à ses besoins. A l’époque, l’homme chassait pour subvenir à ses besoins vitaux, aujourd’hui nous utilisons des ressources naturelles comme l’eau afin de créer de l’électricité  pour alimenter nos smartphones devenus vitaux. Ainsi, le rôle du chasseur est à penser au delà du cliché simpliste de tueur. La chasse n’est pas à comprendre comme une activité ludique aux accents sadiques mais comme un héritage de notre passé de prédateur carnivore. Il convient également de mettre en évidence le but de la chasse. Le chasseur n’est pas là pour assouvir un besoin morbide mais pour subvenir à des besoins alimentaires, à l’image de ses ancêtres. 

A l’heure des supermarchés et de la production alimentaire de masse, le leitmotiv est de produire toujours plus. La production alimentaire – et donc la production de viande- a besoin de produire plus à moindre coûts afin de contenter le monde. En plus de la perte de qualité, d’autres problèmes ne tardent pas à voir le jour. Comme en a témoigné un très commenté communiqué de presse de l’OMC durant le mois d’octobre, une trop grande consommation de viande rouge dopée aux hormones peut se révéler étonnamment mauvaise pour la santé. Loin de la viande en barquette conditionnée et boostée aux conservateurs, le chasseur se révèle donc en phase avec une approche plus responsable de sa consommation alimentaire. Sans tomber dans l’abstention végétarienne, le chasseur peut se targuer d’une consommation responsable de viande de première qualité, et ce -quotas oblige-, en accord avec ce que la nature a à offrir. 

De plus, une fracture s’est également développée avec notre rapport à la viande. En consommant une viande que l’on trouve en grande surface, conditionnée sous-vide ou en barquette, nous devenons étranger à tout ce qu’il en implique. Il est difficile de s’imaginer un animal lorsque l’on regarde un steak à travers un film plastique. Il y a fort à parier que le nombre de mangeur de viandes se réduirait drastiquement si on lui demandait d’assumer l’acte de mort nécessaire à la consommation de viande. Le chasseur, en prélevant lui même sa viande, légitime son statut de carnivore.

L’image du chasseur, à cheval entre son amour pour la nature et l’acte de mise à mort, n’est peut-être pas si paradoxale. L’amour que le chasseur porte pour l’environnement se mesure peut-être dans son intégrité et sa franchisé face au monde qui l’entoure.


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Kaenzig René dit :

Tout est dit … Félicitations !

Sandy dit :

Excellente analyse ! Merci




    

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