«…
Quelqu’un me parle?
Ah, mes excuses, je ne vous avais pas vu.
Vous savez, c’est que je suis tellement busy,
Sans parler du jet lag.
Comment?
Ah oui, c’est bien moi, la femme de…
Si nous nous sommes déjà rencontrés?
Certainement, vous savez, je vois tellement de monde.
J’avoue être connue par plus de personnes que je n’en connais moi-même.
Crazy hein?
Enfin, il faut dire que je suis une sommité…
L’exemple de la femme accomplie…
La figure la plus enviée de la Prévôté…
Tout en étant la reine de la modestie…
Et je suis…
Bon je vous laisse, j’ai tant à faire.»
Madame travaille
Attention! N’allez pas croire que «la femme de…» est mère au foyer et que le P’tit Ju s’est transformé en feuille de chou misogyne. Nous avons bien trop de respect pour ces femmes qui ont tout sacrifié pour exercer le plus beau et le plus dur des métiers du monde. Non, rassurez-vous, «la femme de…» travaille! C’est d’ailleurs la première règle à respecter en sa présence: n’allez jamais, au grand jamais, laisser entendre que madame est femme au foyer. Ce serait pour elle le pire des affronts. Car madame vaut bien mieux que ça, madame est quelqu’un.
Mais en fait… Madame fait quoi?
En voilà une bonne question. Plus efficace que le test ADN ou que le détecteur de mensonge, cette simple interrogation suffit à démasquer une «femme de…» en un clin d’œil. Vous avez un soupçon? Essayez pour voir. Posez donc la question «et vous, que faites-vous dans la vie?» à une suspecte et vous saurez si vous avez mis la main sur un spécimen. S’il faut plus de 45 secondes à la personne en face de vous pour vous expliquer la nature de son activité, vous pouvez commencer à vous méfier. Si elle vous explique qu’elle suit actuellement une deuxième, une troisième ou – top of the top – une quatrième formation dans un domaine dont le nom ne vous évoque strictement rien, alors le doute n’est plus permis. Mieux encore: si le nom de sa formation commence par Bachelor ou Master et que la suite s’avère également être en anglais – le tout prononcé avec un accent forcé – et que, comble du comble, il lui a fallu se rendre aux «United States of America» pour suivre des cours, c’est que vous avez déniché un modèle de compétition.
Blablabla…
Là où vous n’avez pas de chance, c’est qu’il suffit généralement de poser cette question pour lancer «la femme de…» dans un monologue de plusieurs dizaines de minutes. Dans sa tirade, elle vous parlera d’elle et uniquement d’elle. Elle vous contera ses derniers exploits. Vantera son dernier achat qu’elle vous invitera à venir voir, toucher, sentir ou goûter. Vous décrira en détails son dernier voyage, son dernier merveilleux projet. Ira jusqu’à se plaindre, vous assurant qu’elle n’a plus une minute à elle… Par contre, pas une seule fois l’idée de vous poser une question lui passera par la tête. Vous ne l’intéressez pas. Vos yeux lui servent uniquement de miroir pour se contempler et se rappeler combien elle est géniale. Comprenez-la, sa vie est tellement remplie qu’il ne saurait y avoir de place pour quelqu’un d’autre.
L’épanouissement par induction
Mais qu’on se le dise, malgré ses titres d’experte en ceci et en cela, concrètement, «la femme de…» ne fait pas grand chose. Le plus souvent, elle brasse de l’air. Si on pouvait placer une éolienne sous son toit, il y a fort à parier que cette dernière produirait assez de jus pour éclairer l’entière ville de Moutier. Finalement, le plus grand mérite de «la femme de…» est d’avoir su transformer l’ombre de son mari en véritable projecteur.
«Tandis que moi…»
Et Monsieur dans tout ça? Eh bien figurez-vous qu’il semble être complice dans la plupart des cas. Mais si vous tendez bien l’oreille dans les coulisses de ce petit manège, vous pourrez parfois entendre la voix de l’un d’entre eux entonner un refrain bien connu: «Madame promène à cheval ses états d’âme et ses lubies… Madame promène banco qu’elle veut bien me laisser régler… Madame promène bijoux qu’elle veut bien me faire facturer… Tandis que moi tous les soirs. Je fais la plonge à l’Alcazar!»