Tu rêves de piloter un avion, il y a foison de simulateurs de vol sur la toile. Tu souhaites devenir un soldat héroïque qui combat le terrorisme, il y a pléthores des jeux de guerre sur le net. Tu fantasmes à l’idée d’inonder la planète avec l’information que toi seul juge pertinente et intéressante, créé ton propre petit journal en ligne!
«Eh tiens Hervé t’es rentré de ton voyage en Nouvelle-Calédonie? Alors, c’était comment? Raconte!»
«Toi, tu ne lis pas mon blog…?»
«Euh non pourquoi?»
«Ben toutes les infos sur mon voyage, avec photos et carnet de bord, sont dessus! Vas y jeter un œil et envoie moi un mail pour me dire ce que t’en as pensé, ce sera plus simple que de tout te raconter…»
Le blog ou l’art subtil et pathétique de s’autoproclamer star!
C’est probablement le plus gros paradoxe de notre société moderne. De toute l’histoire, nous n’avons jamais eu autant accès à l’information et au savoir, et pourtant, nous n’avons jamais été autant dés-informés! La faute en partie aux foules de néo-journalistes virtuels qui pensent tous détenir la vérité, la seule, l’unique, bref la leur!
Après avoir servi à centraliser et stocker toutes les informations utiles et quasiment l’intégralité de la connaissance humaine, voici qu’Internet est devenu aujourd’hui un espace pour partager ses photos de chats, sa chanson préférée du moment ou encore ses états d’âmes.
Des pages comme My Space ou autres, sont tout autant d’exemples de l’intérêt que portent les gens à leur petite personne! Ces sites sont les dignes descendants du bon vieux journal intime sur papier, sauf qu’ici, il est exposé aux vues de la terre entière!
Blog ou journal en ligne: quelle différence?
Pourtant, malgré toutes ces nombreuses qualités (oui je fais de l’ironie, ça m’arrive), le blog est pourtant appelé à disparaître! Les internautes lui préfèrent de plus en plus le petit journal en ligne! Simple, gratuit, pratique et informatif (pas toujours), la formule séduit de plus en plus de monde; les lecteurs comme les rédacteurs d’ailleurs.
La raison: une info basée sur l’actualité régionale, nationale ou même internationale, mais vue de manière différente par des non-journalistes investis par une mission d’informer la masse. Tout ça, alors qu’on ne leur avait rien demandé!
Terminé les photos de la promenade en forêt avec mon chien et mon classement de mes cinq meilleurs amis! Aujourd’hui, d’illustres inconnus analysent le conflit israélo-palestinien, ou donnent leurs avis sur l’action de la croix rouge aux Philippines! Et bien entendu, tout ça n’est pas toujours pour le meilleur de l’information!
Immersion en rédaction
Il suffit d’assister une fois à une pseudo «séance de rédaction» pour s’en convaincre:
Entre l’auto-proclamé rédacteur en chef qui gère ses zouaves tant bien que mal, celui qui ne veut écrire que sur ce qui l’intéresse et rien d’autre, celui qui est là pour le pognon et qui se rend très vite compte qu’il n’en gagnera pas, celui qui est officiellement «hyper motivé» mais qu’on ne voit jamais et celui qui n’a pas d’idée, mais trouve toujours celle des autres totalement nulle, il y a de quoi en perdre son français. C’est d’ailleurs sans doute pour ça qu’on se demande parfois en quelle langue est rédigé l’article!
Tout ça n’est valable que si rédaction il y a, bien entendu! Car il faut savoir que bien souvent le journal en ligne n’est tenu que par une seule et unique personne, ce qui favorise bien entendu l’éclectisme des thèmes abordés par la rédaction (ou devrais-je dire LE rédacteur) ainsi que les angles choisis pour traiter les sujets!
La fameuse impartialité de la presse prend tout à coup un coup dans les dents quand le rédacteur en chef est aussi le journaliste, le photographe, le pigiste et le caissier!
Si vous rajoutez à ça les fôtes d’orthographe et de grammaire, les tournures de phrases plus qu’insolites, ainsi que les analyses aussi profondes que le fond des toilettes, vous aurez probablement l’impression de lire un sms envoyé par votre petit cousin de quatre ans!
On en serait presque quelquefois à regretter le bon vieux temps des photos de «moi et mon chat en vacances en Espagne».
Moi, moi et encore moi!
Que ce soit en blog, en webzine (ndlr, magasine sur le web) ou Dieu sait quelle trouvaille multimédia, la seule chose qui ne change jamais dans ces démarches de «pseudo partage de l’information», ou devrais-je dire «partage de MON information», c’est l’idée de départ: ce qui m’intéresse MOI, va forcément intéresser tout le monde!
C’est d’ailleurs probablement le nouveau mal du siècle: le narcissisme!
Chacun est persuadé au plus profond de lui-même que ce qui l’intéresse, intéresse forcément la terre entière! Il faut donc vite faire circuler l’information pour montrer comme on est malin et comme on intéresse tout le monde!
Il n’y a qu’à aller faire un petit tour sur Facebook pour s’en convaincre. Ne nous mentons pas: la course au «like» c’est une course de popularité! Qui postera l’article ou la photo qui intéressera le plus de monde? Voilà bien tout ce qui compte!
Les réseaux sociaux, c’est la dernière mise à jour moderne du petit journal en ligne: JE me prends en photo en «selfy» parce que je suis trop intéressant, JE commente des publications parce que mon avis intéresse forcément tout le monde, JE poste des photos de ma vie parce qu’elle est plus intéressante que celle des autres!
Moi, moi, encore et toujours moi; derrière le faux prétexte de vouloir partager sa vie, ses expériences et ses émotions avec ses proches, se cache en fait le culte de sa propre personne!
En réalité, aujourd’hui, diffuser de l’information quelle qu’elle soit, ce n’est pas informer les autres mais c’est montrer aux autres qu’on est soi-même informé!
Le narcissisme dans sa forme la plus pure!
Enfin, sauf pour l’auto-caricature, voir la fausse auto-caricature pour faire croire qu’on a du second degré…
Finalement, c’est certainement ça le comble du narcissisme?