Rat de bibliothèque
Festival de la couille et autres histoires vraies – Chuck Palahniuk

Prenez la série documentaire belge Strip-tease, déplacez l’intrigue dans une Amérique tantôt brute tantôt loufoque (voire les deux!), observez le tout avec un regard clinique et surtout rappelez-vous bien que ce qui suit est réel.

Par GIN, le 02.02.2015 - Ed. 33

Titre original: Stranger than fiction
Publié en 2004 – 360 pages

 

Qui c’est Chuck?

Charles Michael «Chuck» Palahniuk est né en 1962 à Pasco, état de Washington. Dès le départ, la violence rythme sa vie: son grand-père se suicide après avoir tué sa femme; plus récemment, son père est abattu par l’ex de sa nouvelle compagne. Chez lui, elle se manifeste par l’écrit. Seulement, ses études en journalisme ne lui ouvrent aucune porte et il devient mécano. C’est à cette période qu’il décide d’occuper son temps libre comme volontaire pour les sans-abris, les personnes âgées et les malades en fin de vie qu’il accompagne à des thérapies de groupe. L’envie d’écrire le reprend mais son premier roman choque et est refusé par toutes les maisons d’édition… Amer, il enchaîne avec un second roman écrit en à peine 3 mois et encore plus trash: Fight Club (1996).
C’est lui, Chuck!

Grand reporter des petites choses

Mark Twain l’avait bien dit et Chuck nous le rappelle ici: la réalité dépasse la fiction. Ces morceaux de vie sont complètement décalés. La façon dont il aborde le monde dans une totale observation dénuée de jugement est assez unique, c’est comme si on était là, avec lui à regarder, on s’y croirait. Mais il ne fait pas qu’écrire ce qu’il voit: il laisse aussi la parole, le tout sans aucun commentaire superflu. Séquelles de ces études en journalisme…? Nous voilà introduits. 23 tranches de vie, divisées en 3 parties:

Ensemble ouvre les portes de différents univers assez barrés, comme ce fameux festival de la couille (Testy Fest) dans le Montana où des gens se rassemblent pour manger des testicules de taureaux en se régalant de spectacles cochons généralement réservés à la sphère privée; ou ces constructeurs de châteaux, fanas de Moyen-âge, qui dévoilent religieusement toutes les étapes et les obstacles de leur homérique chantier. Des séances de spiritisme aux amateurs de lutte gréco-romaine, on arrive à l’essentiel: au-delà des activités ou des galères qui unissent ces individus, il s’agit avant tout de l’histoire de « solitaires qui cherchent un moyen de se rapprocher des autres“ que raconte l’auteur.

La deuxième partie intitulée Portraits présente quelques personnages passionnés (et passionnants). Entre autre, Marilyn Manson qui se tire le tarot en parlant de son enfance, Juliette Lewis qui revient sur son rôle dans Tueurs nés, ou cette dame qui raconte sa reconversion professionnelle dans la recherche de victimes de catastrophes avec l’aide de ses chiens dressés au secourisme. Un road trip américain qui dévoile non pas ses paysages mais certains de ses habitants les plus déjantés, cyniques, attachants…

Finalement, dans Seul, l’auteur parle de lui et des origines de Fight Club, dont la matière première s’avère être principalement des morceaux d’histoires de sa famille, de ses amis, de son expérience en tant qu’accompagnateur bénévole de personnes en phase terminale, des violences familiale qu’il a connu, tout en faisant preuve de beaucoup d’autodérision. On fait connaissance.

Faut lire?

Soit vous avez faim, et la plus longue chronique frise les 50 pages, soit vous pourrez vous contenter d’une petite immersion de 7 pages. Il n’y a aucun lien entre les différentes nouvelles, ça se lit au pif, ça se lit facilement, mais ça ne laisse pas indifférent! Il percute avec de petites phrases tandis que d’autres passages tirent en long lorsqu’il laisse la parole, on ne lui reprochera pas d’être monotone. Au contraire, bien que ses chroniques concernent des personnages, des situations et des contextes bien réels qui frisent souvent l’absurde ou le tragique, Chuck arrive à distiller ses textes de manière à ce qu’on ressente du respect, voire de l’admiration pour ces illuminés, le tout avec pudeur et sobriété. Il est très fort. Pour ça, je vous dis: feu!


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