Once upon a time, in Moutierpolis
Fabian naît à Moutier le 16 mars 1977. Voilà pour les dates. Certains vous diront que trois jours plus tôt en France, le 13 mars, les municipales voient la gauche devenir majoritaire, alors que Jacques Chirac est élu maire de Paris. D’autres encore donneront de l’importance, ce même 16 mars, à l’arrestation en URSS d’Anatoli Chtcharanski, dissident soviétique anticommuniste, ou même à la réponse de Jimmy Carter à Israël sur la question palestinienne. Mais les repères chronologiques ne servent ici à rien, car dans l’histoire de Fabian, tout va très vite, tout est dans l’immédiateté, dans le vécu de l’instant présent et dans le sourire qu’il procure.
Quand l’homme raconte, les lettres même semblent sourire aux bons souvenirs. A peine le temps de savoir parler pourtant, qu’il faut déjà partir. En 1979, un voyage court jusqu’à Crémines, mais voyage quand même, qui en appellera bien d’autres.
Crémines, l’étendue sauvage, la nature
C’est à Crémines que Fabian fait ses premières aventures. Fini la ville, bonjour la nature, et les explorations commencent. Il faut très vite apprendre à connaître le terrain. Les champs et forêts, qui forment le territoire avoisinant, deviennent le terrain de jeu de prédilection, et chaque parcelle offre un millier de nouvelles découvertes, qui ne demandent qu’à être connues. Pour cela, rien ne vaut un bon compagnon, et Fabian n’a pas meilleur «complice» que son frère Christophe. Mais certaines escapades demandent de la témérité, ainsi qu’une propension à s’éclipser en solitaire façon «ninja », comme cette virée tricycle Davidson via la grand-route, direction le centre du village; déjà, la jeune tête blonde a un goût prononcé pour les grands voyages.
L’école, papa, maman, et les voyages
Puis vient le temps de l’école, où il faut bien se rendre. Mais l’insouciance du jeune âge et le goût des découvertes empêchent Fabian de plonger dans l’amertume que procure très vite l’école à certains mômes. Pas question de tirer la gueule quand les choses ont un pouvoir de fascination si prononcé.
Cette fascination, il la porte par exemple dès ce moment-là pour les chats. La naissance de quatre petits félins à la maison, alors qu’il est tout gosse, demeure un souvenir impérissable, et leur allure mystique en a fait une passion qu’il garde aujourd’hui encore sous le soleil californien.
Il y aussi les copains, inusables, avec lesquels Fabian passe ses weekends et ses fins d’après-midi, et autant que possible dehors, à taper dans un ballon, tirer avec une canne ou simplement camper dans les étendues sauvages de la Prévôté. Cette passion inépuisable pour la nature, son jardin d’enfant, le pousse très vite à s’intéresser aux sciences et à l’univers en général. Pour cette tête blonde, l’astronomie restera longtemps un rêve. Mais cette passion pour la nature n’est pas seulement due à un appétit de môme.
Le rôle des parents de Fabian, Erwin et Silvia, a été primordial pour le goût du voyage qu’il a acquis si jeune. En famille, avec la caravane, les parents Weber font découvrir la Suisse et ses coins de pays magnifiques aux enfants.
Métro boulot dodo
Un beau jour, fini l’école, fini la rigolade, voilà la fin de l’adolescence et le début de l’âge adulte, et les responsabilités qui vont avec. C’est surtout le début des expériences professionnelles, et le jeune Fabian en connait de nombreuses. Malgré son aisance à l’école, qui aurait pu le pousser vers des études gymnasiales classiques, il décide de se lancer dans un apprentissage technique, dans un domaine proche de la science qu’il aime tant, grâce aussi aux conseils avisés de son professeur d’alors, mais aussi parce que ses ambitions en astronomie sont limitées par les possibilités dans la région.
C’est vers un apprentissage d’électronicien qu’il se dirige en fin de compte, à la Tornos. Son apprentissage terminé, le jeune salarié touche à tout dans le secteur technique, mais très vite, l’ennui le gagne face à ces boulots parfois trop répétitifs. Fabian se décide finalement à entreprendre des études en microélectronique à la HES d’Yverdon-les-Bains, où il obtiendra son bachelor avec les honneurs et une distinction du canton de Vaud. Il alors 22 ans, et la question se pose de savoir s’il faut continuer les études plus loin, ou enfin obtenir un poste fixe et un salaire, comme ses nombreux potes en ont déjà, potes dont l’indépendance paraît si douce et agréable. Son choix se porte sur la deuxième option, et après un court passage à Berne, il obtient un poste dans une grande multinationale américaine de production électronique, et travaille dès lors à Soleure dans une de leurs succursales.
There and back again: les premiers voyages
Bien installé, confortable dans son nouveau travail, Fabian entreprend plusieurs voyages professionnels. Il s’en va d’abord à la Silicon Valley, non loin de San Francisco, en 2001, pour y suivre une formation poussée. C’est grâce à ces connaissance nouvellement acquises qu’il visitera une bonne partie de l’Europe, afin de redistribuer ses aptitudes sur plusieurs sites en Allemagne, Suède, Hongrie, Autriche et Irlande notamment. C’est pour lui un déclic.
Le goût du voyage, bien mitonné durant son enfance, se transforme alors en réelle passion, en une quasi-addiction. Dès le début des années 2000 jusqu’en 2004, soit près de quatre ans, la vie professionnelle de Fabian est marquée par des aller-retours. Mais en 2004, lorsque l’entreprise décide de délocaliser dans des pays où le coût de production est bien moindre, le jeune homme décide de «quitter le navire avant qu’il ne coule définitivement», comme il le souligne.
Le grand saut
Mais la vie de Fabian Weber est elle-même une grande aventure, pas le temps de s’ennuyer. Très vite, il retrouve une place, dans une boîte régionale plus modeste cette fois, mais grâce à laquelle sa vie va définitivement changer. Chez la Sonceboz SA, spécialisée dans le développement et la production de systèmes mécatroniques (soit des systèmes combinant mécanique, électronique et informatique en temps réel), Fabian devient ingénieur de vente. Pendant deux ans, il s’occupe de toute la clientèle germanophone pour les systèmes destinés aux équipement médicaux.
En automne 2005, presque deux ans après son entrée dans l’entreprise, on lui propose de se rendre aux Etats-Unis pour tenter une percée dans le marché automobile, et en cas de succès, d’ouvrir un bureau dans la région de Detroit. Deux semaines de réflexion lui suffisent pour dire oui, et c’est là qu’a lieu le grand saut. Dès lors, tout va très vite. On lui octroie les papiers nécessaires pour une durée de trois ans. Ce sont d’abord des voyages de courte durée: il faut tester le terrain, voir si le marché est ouvert et si le développement est faisable, se familiariser avec le Midwest américain. Un, deux voyages, puis un troisième et dernier, définitif celui-là, le 17 octobre 2006, pour aller s’installer à Detroit, Michigan, de façon permanente.
Bienvenue chez l’Oncle Sam
Voilà Fabian Weber, jeune Prévôtois, même pas la trentaine, sur sol américain, sans repère. Les premiers temps sont effectivement très durs. S’acclimater à la société américaine n’est pas chose facile, d’autant plus quand vous devez faire face à des illusions perdues; l’habitat promis n’est pas à la hauteur des espérances, il faut des heures pour se déplacer et se repérer efficacement. Toutes ces choses sont pénibles d’autant que personne sur place n’est apte à l’aider. L’ameublement de la maison mitoyenne, effectué en solo, s’avère lui aussi particulièrement ardu, puisqu’il faut réussir à caser tous les cartons dans la voiture, en mode «Tetris», pour finalement échouer au pied du mur (dur, d’oublier un meuble à l’extérieur quand tout est si parfaitement rangé dans le coffre.) Au final, ces premières semaines auront poussé le citoyen Weber à un acclimatement à la dur, mais efficace.
Heureusement, tout s’améliore très vite une fois installé pour de bon. Ce sont d’abord des rencontres avec d’autres expatriés, de tous bords, des amitiés qui se forgent, mais aussi, et surtout, la rencontre avec cette «fille merveilleuse», Diana, qu’il mariera en 2010 en Italie, au milieu de tous ses amis. Pour Fabian, pour l’aventurier qu’il est et le gamin rêveur qu’il est resté, vivre une telle expérience à l’étranger est un rêve éveillé. En 2009, le visa de trois ans accordé initialement arrive à expiration, et la crise économique qui frappe le marché mondial rend les choses difficiles pour le renouvellement. Mais tout s’arrange, grâce à d’âpres négociations, qui le font finalement bénéficier d’un permis de séjour pour le long terme. Dans le domaine professionnel aussi, dès 2010, Fabian devient un homme comblé. Les acquisitions se multiplient, et le chiffre d’affaires bondit lui aussi, et la société se fixe de manière forte et durable dans le Michigan, grâce à ses efforts notamment.
Retour vers le passé?
Aujourd’hui fraîchement débarqué sous le soleil californien, Fabian n’en n’oublie pas pour autant ses origines et son pays natal. La Suisse, mais le Jura et Jura bernois en particulier demeurent ses pays de cœur, et il se sent citoyen suisse; s’il suit l’actualité suisse et jurassienne de façon sporadique, les occasions ne manquent pas de prendre des nouvelles des proches directement, puisque par obligation professionnelle, il revient quatre à cinq fois par année en Suisse. 2013 a été particulièrement belle, puisqu’elle lui a permis de rentrer pour la braderie, si chère à tous les noceurs du coin et à tous les autres aussi.
Un retour en Suisse n’est pas d’actualité pour autant. A vrai dire, rien n’est vraiment d’actualité pour Fabian, éternel globe-trotter. Les plans ne sont pas faits pour les aventuriers, pour les personnes qui comme lui, croquent chaque morceau de vie à pleines canines. La vie serait bien terne pour un «planificateur». Après 35 Etats américains visités à ce jour, Fabian Weber n’en démord pas: «prochaine étape, l’Alaska!» On jurerait voir le gamin de trois ans sur son tricycle, un sourire béat à la bouche, la vie, l’aventure, les découvertes devant lui. Un gamin, un garçon, un homme bien de la région, pour qui le rêve américain s’est concrétisé, mais qui n’en oublie pas ses proches et ses racines; à vous qui le connaissez ou l’avez connu intimement, il a tenu à vous transmettre ses salutations les plus prévôtoises.