Chronique
Entre tout et rien, quoi de la sexualité et des handicapés?

Ce mois-ci, vous aurez sûrement remarqué que votre journal préféré a pris le parti de célébrer l’arrivée du printemps en vous concoctant une édition spéciale «sexualité». Mais la sexualité, ce n’est pas que joie et bonheur au pays des plaisirs amoureux et charnels; c’est aussi quelque chose de sérieux, parfois problématique, quelques fois tabou mais qui soulève quoiqu’il arrive, toujours beaucoup de questions!

Par RM, le 03.05.2015 - Ed. 36

Des questions que nous nous sommes posées au sujet des personnes en situation de handicap!

Parce que oui, que le handicap soit mental, physique, sensoriel ou psychique, ces femmes et ces hommes ont une identité sexuée et elles peuvent rêver vivre une vie affective et sexuelle comme vous et moi.

N’en déplaisent à certains d’ailleurs!

Qu’est-ce qu’un assistant sexuel?

Pour trouver des réponses à mes questions j’ai donc commencé mes recherches par taper «assistant sexuel» dans un moteur de recherche.

Je suis rapidement tombé sur le site du SEHP (SExualité et Handicaps Pluriels) qui m’a alors redirigé vers Madame Catherine Agthe Diserens, sexo-pédagogue spécialisée, formatrice pour adultes et présidente de l’association suisse SEHP.

Après un échange de mail avec elle, pour lui demander quelques informations, nous convenons d’un rendez-vous téléphonique, bien que je sente une sorte de réticence de sa part à évoquer une fois de plus cette activité liée à «l’intime de l’intime»; réticence confirmée une fois le contact téléphonique établi, non pas parce que le sujet serait encore tabou, mais parce qu’elle craint un certain «scoop journalistique» très courant qui nourrit ensuite des articles sensationnalistes.

Présenter cette suppléance délicate de manière peu nuancée, s’avère contre productif aussi bien pour les personnes handicapées que pour les assistant-e-s sexuel-le-s, et surtout parce qu’elle ne reflète pas la réalité vécue par ces dernier-e-s.

Après une discussion autour de mes motivations, Catherine Agthe Diserens a bien voulu répondre à mes questions, ce dont je lui sais gré.

L’interview 

LPJ – Le Petit Jurassien
CAD – Catherine Agthe Diserens


LPJ – 
Quelle est la définition de l’assistance sexuelle?
CAD – Il y a 2 définitions. L’une est celle qui s’adresse à la nature de la prestation. L’autre est juridique. Pour la première, davantage qu’un catalogue de prestations définies, il s’agit de proposer un accompagnement en phase avec les émotions et les attentes sensorielles et érotiques des bénéficiaires qui les souhaitent. Le corps de l’assistant-e sexuel-le sera en interaction intime avec le corps de la personne accompagnée. Il n’y a que des réponses singulières afin de respecter l’originalité de chaque situation.

L’assistance sexuelle N‘EST PAS UN METIER, au sens propre du terme. Cette prestation relève d’une activité accessoire mais rémunérée!

Il est important de le préciser, car cette information est peu connue.

Pour la deuxième définition: sur le plan juridique, l’assistance sexuelle est assimilée à la prostitution. Il s’agit donc du même statut.


LPJ – 
Si c’est rémunéré, en quoi n’est ce pas un métier à part entière?
CAD – Dans l’éthique qui sous-tend toutes les actions de notre association, le besoin de la personne handicapée prime. Dans l’assistance sexuelle il en va de même: cette suppléance n’a de sens que dans la mesure elle peut aussi, en tout temps, ne plus répondre à la demande. En conséquence les assistant-e-s sexuel-le-s ne «fidéliseront» jamais le/la bénéficiaire… pour en vivre! Sous aucun prétexte l’offre ne devrait créer le besoin!

Ensuite, reconnaissons qu’il s’agit d’une sorte de don (bien que rémunéré) du corps! Il est impensable de pratiquer l’assistance sexuelle 5 jours durant 7, 8 heures par jour comme dans l’exercice d’un métier.

Enfin, les demandes émanant des personnes en situation de handicap en Suisse Romande ne sont pas si nombreuses (la plupart préfèrent de loin rencontrer «l’âme sœur») pour que les assistant-e-s sexuel-le-s formé-e-s puissent en vivre! Une assistante sexuelle n’accompagne pas plus de 3 ou 4 rencontres par mois.


LPJ – 
Y a-t-il des limites et si oui, quelles sont celles qu’un assistant sexuel s’impose?
CAD – Les limites sont propres à chacun-e! Comme il s’agit d’un don du corps, il n’est pas imaginable que la personne concernée se force à des actes qui lui seraient contraires. Certain-e-s assistant-e-s sexuel-le-s souhaitent ainsi ne pas prodiguer la relation sexuelle.

L’assistance sexuelle comprend de nombreuses expressions; du massage à la danse en passant par des caresses, de la masturbation et des pénétrations. Il y a un terrain d’entente à partager entre l’assistant sexuel et le bénéficiaire de la prestation.

L’assistant-e sexuel-le n’est pas un accompagnant-e pour une promenade, aller boire un café ou sortir au cinéma. Il est un-e acteur-trice de l’intime dans la chambre, le temps d’une heure de tendresses sensuelles et/ou sexuelles!


LPJ – 
Comment choisit-on de devenir assistant-e sexuel-le?
CAD – Les raisons sont multiples et propres à chacun-e.

Mais s’il fallait trouver un point commun à chaque assistant sexuel, ce serait clairement que ces personnes souhaitent s’investir dans un accompagnement engagé afin de permettre (enfin !) un développement personnel et sexuel à l’attention de personnes handicapées qui souhaitent s’y aventurer avec de l’aide.

Les assistant-e-s sexuel-le-s sont doté-e-s d’une maturité affective et sexuelle enrichie de leurs parcours personnels variés. Elle leur permet de partager leurs savoir-faire et leurs savoir-être dans le respect de la personne handicapée, confinée dans un désert sensuel et sexuel.

 

LPJ – Je sais que l’on ne s’improvise pas assistant sexuel. Que dire de la formation à cet égard?
CAD – Nous avons formé deux volées en assistance sexuelle: une première en 2008-2009 et la deuxième à l’attention de 7 travailleuses du sexe romandes, intéressées à se perfectionner dans ce domaine.

Les participantes de la dernière session sont âgé-e-s de 25 à 45 ans. Les contenus relèvent aussi bien des approches sexo-corporelles, que de la connaissance des handicaps (afin de s’adapter aux besoins spécifiques), que de la compréhension des dynamiques institutionnelles (parce qu’il s’agira de collaborer avec ces dernières), que des contextes juridiques (dont le prévention des abus sexuels), que de l’éthique (qui a traversé chaque journée de formation). Quelques mises en pratiques sous forme de jeux de rôles et d’assistances sexuelles prodiguées ont également été intégrées au programme.

La première formation a compté environ 300 heures, car assortie d’un travail écrit personnel (portfolio) et des stages dans les structures d’accueil.


LPJ – 
On parle de personnes en situation de handicap… qu’en est-il des personnes âgées, également souvent seules et qui souhaiteraient bénéficier de cette suppléance?
CAD – En ce qui concerne les personnes âgées, les EMS s’ouvrent actuellement à la question, nous sommes même étonné-e-s du chemin qui s’accomplit actuellement.

Cela exige de pouvoir sensibiliser les équipes soignantes, mais également les familles et/ou les proches de la personne âgée. Il n’est pas aisé d’imaginer le désir, le plaisir… par exemple pour son père vieillissant!

Sexualité et handicap: encore tabou?

Finalement, en s’intéressant à la question, et en se documentant un minimum, il est bon de constater qu’aujourd’hui, le sujet de la sexualité des personnes handicapés n’est plus si tabou qu’on pourrait le croire!

Il existe pléthores de livres, de films et d’articles qui prouvent que c’est devenu un sujet dont on peut parler ouvertement et librement. Cela dit, il ne doit être traité ni à la légère, ni de manière à victimiser les handicapés!

On parle de sexualité un point c’est tout et, en termes d’amour et de sexualité, il n’y a pas à faire de différence entre une personne valide et une personne handicapée!

Bon nombre de personnes handicapées vivent d’ailleurs en couple, plus ou moins heureux, plus ou moins épanouies sexuellement, comme tout un chacun. Ne réduisons pas la personne handicapée à l’assistance sexuelle!

Et finalement, si des tabous subsistent, ils nous concernent toutes et tous!

 


Si vous souhaitez en savoir plus sur le sujet, vous pouvez à tout moment consulter les documents suivants:

  • Le site de la SEHP (SExualité et Handicaps Pluriels)
  • Le site de Catherine Agthe Diserens
  • Le livre «Sexualité et Handicaps… entre tout et rien!», Catherine Agthe Diserens aux éditions Saint-Augustin, Suisse.
  • Le livre «Assistance sexuelle et handicaps», Catherine Agthe Diserens et François Vatré aux éditions Chronique Sociale, France.

Cet article a été vu 407 fois.
Lachat Nicole dit :

bravo ! je suis certaine que ce sujet doit choquer, mais les personnes en situation de handicap ont également des besoins, on l’oublie trop souvent. je vous félicite pour cet article.

Régis Mérillat dit :

Merci Nicole ! Et merci de nous lire 🙂




    

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