Il est de ces traditions prévôtoises vieilles comme l’invention du peigne, qui donne toujours, aux habitants de Moutier, l’occasion de se réjouir et de sortir le «mouaire» dehors pour aller «beuiller» les dernières nouveautés. C’est vrai qu’entre le SIAMS, Moutier Expo, la St-Martin, les lotos, et j’en passe, à Moutier, ça n’est pas les occasions qui manquent pour «se tirer» de la maison. N’en déplaisent à ceux qui prétendent qu’il ne s’y passe jamais rien. Mais parmi tous ces rendez-vous incontournables, il y en à un, plus discret que les autres sans doute, mais tout autant sympathique, c’est la traditionnelle foire aux cramias du mois d’avril.
Cramias?
Dans le département du Nord pas de Calais, en France, un vieil adage, rendu célèbre par un obscur film inconnu, nous enseigne que lorsqu’un étranger arrive dans le Nord, il pleur deux fois: une fois quand il arrive et une deuxième quand il repart. A Moutier, il y a un autre proverbe, certes un peu semblable, mais au sens très différent, et qui dit que lorsqu’un étranger arrive à Moutier, y pleure une fois: c’est parce qu’y comprend rien! Il est vrai que le dialecte régional, qui n’est certes pas une spécialité prévôtoise, est plutôt riche et, il suffit de sortir de nos frontières de l’Arc jurassien pour se rendre compte, que le français que l’on parle à Moutier ou à Reconvilier, n’est pas sensiblement le même que celui parlé à Yverdon ou à Sierre. Alors, dans un souci de compréhension, pour nos amis de «l’extérieur», une petite parenthèse sur le mot «cramia».
Le «cramia», est en réalité la feuille d’une plante nommée Taraxacum, et plus connue sous le nom de Dent de lion ou Pissenlit. Un nom qu’elle tire du grec ancien «tàraxis» qui signifiait «irritation de l’œil», car en effet, le latex de cette plante, soulage les irritations oculaires. Son utilisation dans nos régions est bien moins savante. Puisque c’est en salade qu’on la sert ici. Mais trêve de bavardages médicinaux, après cette parenthèse, revenons plutôt à notre sujet initial.
Foireux
Certes, le «cramia» n’est depuis longtemps plus la vedette de la foire qui porte son nom. On a d’ailleurs de plus en plus de mal à en trouver au milieu des innombrables stands de cassettes audio de Frank Michael, T-shirts de Johnny Hallyday, et autres ballons et serpents en plastique.
En effet, il semblerait que la foire aura bientôt besoin d’être rebaptisée. Bien que ce phénomène ne sois pas nouveau, il est tout de même inquiétant de constater qu’il est grandissant. Certains appellent même déjà cette foire «La foire du Printemps», c’est dire si le «cramia» se meurt. Ainsi cette année, vous aurez pu trouver des habits, de la nourriture, comme les vendeurs de viande séchée et fromage, mais aussi les traditionnels caramels à la crème, qui ont cet incroyable pouvoir d’enrober d’effluves d’enfances, tout le centre ville. Quelques commerçants prévôtois ont profité de l’occasion pour sortir leurs plus beaux articles. On même dégusté un menu spécial foire dans un restaurant du centre ville. Les habituels vendeurs de jouets étaient évidemment toujours présents, sans oublier, cette année, le petit manège pour enfants, sans lequel une foire ne serait pas totalement complète. Au final, il ne manquait que l’affluence des habitants de Moutier qui, cette année, n’auront pas marqué un très grand enthousiasme pour la foire. Sans doute la faute à cette météo capricieuse du mois d’avril qui aura eu raison de cette Xème édition, puisque personne, ni le public, ni les forains, n’auront joué les prolongations. Ou peut être est-ce à cause de l’absence très remarquée de notre Berou nationale, qui, nous ayant privé de son rouge et de ses saucisses, aura encouragée même les plus téméraires, à retourner au chaud!
En définitive, une édition mitigée, parce que peu de «cramias», peu de monde, peu de soleil et donc forcément peu d’ambiance. Certes, ce n’est pas plus de «cramias» qui mettront de l’ambiance dans nos rues, à moins qu’on se mette à les fumer qui sait… Mais ici, à la rédaction du Petit Jurassien, nous qui aimons que les vieilles choses soient mises en valeur plutôt que mise de côté, nous qui tenons à ce que les vieilles traditions séculaires perdurent et nous qui pensons que ce n’est qu’avec du vieux qu’on fera du neuf, nous soutenons avec le plus vif intérêt, toute initiative qui ramènera plus de «cramias» sur nos stands de foire!
A bon entendeur!