Boko Haram est donc un mouvement religieux fondamentaliste qui opère au Nigéria. Les gars de ce mouvement ne voient pas d’un très bon oeil que leur pays s’occidentalise à vitesse grand V, que des groupes pétroliers européens pompent leur pétrole au nez et à la barbe des Nigériens. De plus on imagine que les McDonalds de leur capitale Abuja ne leur plaisent pas trop, et c’est pas une question de calories. Non, Boko Haram ce qu’ils veulent c’est un retour à la Charia dans tout ce qu’elle a de plus noble. Les raisons pour qu’un tel mouvement s’installe tranquillement à l’intérieur même de l’Etat sont nombreuses. Le pays souffre d’un problème de développement récurrent. 60% de la population vit avec moins de 2 dollars par jour. Comme si ça suffit pas, les inégalités entre le Nord et le Sud du pays se creusent. Le Sud a eu la chance d’avoir du pétrole, le Nord lui, non. En plus de cela, niveau éducation, c’est pas glorieux non plus, 83% des jeunes son illettrés. Le pays est partagé en deux religions, le Sud est tourné vers le petit Jésus, le Nord lui regarde la Mecque. Check! Tous les ingrédients sont réunis pour que le cocktail détonnant d’un mouvement fondamentaliste puisse y prendre racine.
C’est dans ce contexte que Boko Haram va naître en 2002. Contrairement à d’autres groupes radicaux comme l’Etat Islamique qui opère entre la Syrie et l’Irak, Boko Haram s’en prend essentiellement aux citoyens de son pays, il n’y a pas une volonté de répandre leurs idéaux au delà des frontières du Nigéria. Au début, Boko Haram n’est pas une organisation terroriste, elle se rapproche plus d’une secte. Son fondateur, Mohammed Yusuf, fondera notamment des écoles ou des mosquées afin de répandre sa parole et attiser le ressentiment envers l’Occident, qu’il juge responsables de tous les maux du pays. La cible est évidemment les étudiants fauchés, des jeunes désoeuvrés ou flics corrompus. En 2004, un premier assaut a lieu face à un convoi de policiers. Malgré la mort de 12 hommes, le gouvernement a d’autres chats à fouetter. Des troubles ont lieu dans le delta du Niger, ses puits de pétrole sont menacés. Au fil des ans, Boko Haram et sa violence vont crescendo. Ce n’est qu’en 2009 que le gouvernement va agir, 800 membres de la secte sont tués, dont leur chef Mohammed Yusuf. Boko Haram a trouvé ses martyrs, leur nouveau boss, Abubakar Shekau, va reprendre les choses en main. Au fil des ans Boko Haram va se radicaliser, les enlèvements ou attentats vont s’intensifier dans le nord du pays. En 2013, le mouvement fondamentaliste a l’honneur d’être inscrit sur la liste des organisations terroristes reconnues par les Etats-Unis.
Pendant toutes ces années, Boko Haram et sa violence sont passés inaperçus. Aucun média n’a vraiment relayé les exactions commises par ces islamistes à la machette facile. Il est bien probable que d’autres massacres un peu plus sexy ont occupé les premières pages des quotidiens durant tout ce temps. Mais en avril 2014, après avoir massacrés une bonne centaines de lycéens les mois précédents, les combattants islamistes ont trouvé leur nouveau dada, la capture de lycéennes. Deux-cents jeunes filles sont kidnappées, converties de force à l’Islam, puis mariées au nez et à la barbe des autorités nigériennes. La machine médiatique est lancée, le Nigeria fait la une des médias. Les réseaux sociaux s’emballent aussi notamment grâce au hashtag bringbackourgirls qui va donner une certaine envergure mondiale à l’enlèvement. Même Michelle Obama a suivi la hype. Une prise de conscience a également lieu dans les hautes sphères internationales, le monde ouvre les yeux sur ce conflit qui a causé la mort de 2000 personnes en 2014.
Le gouvernement nigérien est montré du doigt, lors du kidnapping des lycéennes les islamistes n’ont pas vraiment dû faire face à une quelconque résistance de la part des forces de l’ordre et du gouvernement. Pourtant, les moyens ne manquent pas, le Nigéria dépense 20% de son budget dans les forces de sécurité et 20’000 hommes sont déployés uniquement dans le but de lutter contre Boko Haram. Si les moyens sont conséquents, la corruption l’est aussi. Les fondamentalistes sont présents à tous les échelons du gouvernement, de la police et même dans les forces anti-terroristes du pays. C’est pas la joie. Actuellement, Boko Haram est bien plus qu’une organisation terroriste. La secte du début des années 2000 s’est transformée, et musclée pour désormais affronter l’armée nigériane en combats directs. Elle possède désormais une organisation quasi militaire dotée de véhicules blindés et d’armes lourdes. Boko Haram a également créé des camps d’entraînements, des casernes afin d’entrainer ses quelques 8000 combattants. C’est dans cette suite logique que les évènements du 6 au 8 janvier vont survenir. Les combattants islamistes vont prendre d’assaut 16 villages, les réduire en cendre. Le bilan sera de 2000 morts et 20’000 déplacés. Ce déchainement de violence semble tout à fait absurde gratuit, incompréhensible. Lors d’un tel massacre, les terroristes ne font aucune distinction entre les chrétiens ou les musulmans, les femmes, les enfants ou les personnes âgées. Amnesty International évoque «le pire massacre» de Boko Haram. Il est impossible de placer cet évènement dans la politique de Boko Haram. Cela ne rentre pas dans le processus de création d’un Califat Islamique. Une telle haine vise à effrayer. Autant dire que ça fonctionne.
Les perspectives pour le Nigéria semblent bien sombres. Pour le moment aucune résistance ne semble être possible. Même la communauté internationale qui avait prévu de l’aide après l’enlèvement des lycéennes a échoué, au vu des événements du mois de janvier. De plus, le président n’empoigne pas vraiment le problème, les élections présidentielles du mois de février focalisent plus son attention que les troubles dans le nord du pays. Si désormais Boko Haram est connu jusque dans la vallée de Tavannes, il est clair que ce n’est pas non plus notre préoccupation première. Lorsque 2000 Nigériens ont perdu la vie au mois de janvier, douze personnes étaient tuées à Paris. L’attentat contre Charlie Hebdo a cependant eu un retentissement planétaire, des dirigeants du monde entier ont accouru pour marcher main dans la main et sentir le Charlie qui était en eux. Six présidents africains sont présents. Le massacre nigérien, lui, n’a pas vraiment intéressé. Peut-être parce que si l’Hostettman se casse la jambe en déblayant la neige, ça m’intéresse plus qu’un incendie à Paris.
Souces:
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