Souvenir
Aller à et vivre Moutier

Au début des années 1990, un enfant sauvage des hauts plateaux francs-montagnards avait pour habitude de se rendre à la ville. Il allait à Moutier. Le plus souvent avec ses proches, il partait rendre visite à sa famille maternelle: grands-parents, tantes et oncles, mais surtout cousins et cousines. Quelques années cadet de la maisonnée, les aller-retour furent l'occasion, aussi par les discours mystiques de cousins plus âgés, de construire une Prévôté légendaire, lieu unique et encaissé, caché et quasi mythologique, propice à remplir un enfant d'un bonheur d'enfant. Simple, et décoché droit au coeur. Longtemps source et ressource, Moutier garde une saveur nostalgique 20 ans plus tard, lorsqu'il s'agit de venir y vivre un peu.

Par AP, le 03.03.2015 - Ed. 34

Chemin faisant

Si être à Moutier en diverses occasions de fête, d’anniversaire ou de bonne bouffe fut un plaisir, tailler la route sur la banquette arrière de la Peugeot 405 break familiale (dont la couleur entre noir et vert scarabée reste un mystère à ce jour), était en soi une aventure à part entière, lorsqu’il s’agissait de « descendre », comme l’on dit lorsqu’on vient des Franches Montagnes et qu’on quitte nos 1000m pour passer en région plus tempérée.

Jusqu’à la fin des années 90 s’offraient deux chemins pour parvenir à Moutier, les deux s’étalant sur une demi-heure environ, temps parfait pour se réjouir des bons plats et des rires en famille qui allaient suivre. Le premier, c’était la classique. L’étape via Tramelan puis la Vallée de Tavannes. Tramelan et même Tavannes étaient, il faut le dire, des coins connus. L’excitation montait réellement lorsque la voiture prenait la direction de Reconvilier, parce dès lors la destination finale ne pouvait plus changer, et la voiture serait condamnée à suivre la même route. Une fois à Sorvilier et à Court, une véritable frénésie s’emparait du garçon, que seule la sortie des Gorges de Court et un premier coup d’oeil sur la cité parvenait à calmer. 

L’autre chemin, c’est celui des Ecorcheresses, via les Genevez – Bellelay. Lorsque le temps et les conditions le permettaient, c’était la seule route possible. Sans jamais emprunter les grands axes ou presque, la route des Ecorcheresses se lovait entre les collines, construisant des paysages plus épiques les uns que les autres, pour terminer par cette descente mythique jusqu’à Perrefitte. Les lieux-dits et autres hameaux qui parsèment la route – Châtelat, Monible, Sornetan, Souboz – ont toujours eu ce pouvoir fort sur l’imagination, comme s’ils sortaient d’une terre rêvée, dont la seule issue serait Moutier, au bout, cachée dans sa vallée, l’Imladris du Jura renfermant maintes merveilles.

Mythologie prévôtoise

Loin de connaître, dans son jeune âge, l’histoire immémoriale de ces terres qui l’invitaient au repos et à une exaltation de gosse, le garçon se créa lui-même ses lieux légendaire dans la ville. Forcément, les domiciles familiaux furent au coeur de cette mythologie. Mais pas que. Certains lieux n’étaient que temporaires ou furent appréciés seulement à partir d’un certain âge. C’est la cas par exemple de certains stands cultes de la Braderie, comme celui des scouts, où les crêpes furent digérées par millier. En ville, pas très loin de là, il y avait aussi l’Ours, dont la salle presque cylindrique et les murs roses-oranges virent passablement de beuveries, lorsque les enfants jouaient sous les tables. A deux pas également, la Placette. Curieux, certes, de placer un magasin dans ces lieux, mais le rayon LEGO, conséquent, avait de quoi faire rêver.

En sortant du centre-ville, quittant les pavés, il fallait aller chercher de la hauteur pour retrouver à la ville cet aspect si singulier. Par un curieux hasard, deux des maisons familiales qui eurent cette douce saveur se faisaient presque face, l’une sur le versant sud, l’autre sur le versant nord. Au sud, donc, il s’agissait de traverser la Birse d’abord, de passer sous les voies ferrées ensuite, et de grimper enfin, jusqu’au bout du Chemin des Mûriers. Là, ce furent des plaisirs d’enfant, simples et solides. La maison offrait, entre autres, des mets délicieux préparés par la Matriarche, et un terrain de jeu digne des plus beaux contes. La chasse aux oeufs de Pâques ont laissé des souvenirs impérissables. Et puis en face, au nord, perchée au-dessus de la Collégiale Saint-Germain, à deux pas de l’hôpital (qui fut lui-même un terrain de jeu de crapules), se tenait l’autre bâtisse, millénaire au moins, offrant elle aussi en ses travées des possibilités infinies pour les lutins de la famille. Ses différents niveaux, sa charpente ancienne, son jardin de pays sauvage, grâce à elle et ses habitants les étés furent heureux et bien remplis, et Moutier suait la vie en contrebas, comme un Eden païen.

20 ans plus tard: vivre Moutier

Moutier n’est pas Hollywood, les contes ne durent jamais éternellement, et l’enfance finit toujours par perdre sa saveur dans un monde d’adulte. Mais tout ne se perd pas, et 20 ans plus tard, si elle ne semble plus magique, Moutier est restée un lieu où le garçon aime retourner, voir ses pairs autour d’un café ou de malts brassés. Par certains entremêlements inattendus du destin, le garçon y retourne même vivre, de temps à autres, là d’où il vient un peu, ou d’où il s’est souvent senti venir en son âme. Et si la ville de Moutier ne brille plus de la même façon à ses yeux, le bien-être revient à chaque fois qu’il remonte la Rue industrielle vers le centre-ville. Sans aucun doute, il se réjouit déjà d’y retourner…


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