C’est peut-être du filet de bœuf qu’il y avait dans le biberon de Jonathan Ast, beau bébé d’1 m 88 pour 97 kilos. Il a, en tous les cas, grandi bien nourri par les bons petits plats servis au restaurant L’Etrier d’Argent à Corcelles, établissement tenu par sa grand-maman, puis par sa maman. C’est à la patinoire naturelle de Crémines qu’il a chaussé des patins à glace pour la première fois, encouragé par son papa et son grand-papa dans ses premiers freinages.
Après avoir débuté le hockey au sein du HC Moutier, ce défenseur a suivi la filière sport-étude à Porrentruy, avant de partir rejoindre les rangs des Novices de Genève-Servette à l’âge de 15 ans. C’est l’entraîneur-assistant des Aigles, Louis Matte, qui l’avait repéré alors qu’il évoluait avec les Minis Top du HC Ajoie.
Une nouvelle vie commence alors pour la famille Ast. Ses parents Jean-Denis et Nathalie, ainsi que sa sœur Malory, ses premiers supporters, soutiennent Jonathan qui part s’installer chez une famille d’accueil sur les bords du Léman: «l’éloignement n’a pas été facile au début, mais c’était soit ça, soit je finissais en 1re ligue. Je savais qu’il n’y aurait pas beaucoup, ou pas du tout, d’autres chances», explique ce charmant jeune homme.
C’est au total cinq années que Jonathan Ast a passées au sein de la structure du GSHC. Il a eu un avant-goût du monde cruel que peut être le sport d’élite lorsqu’il a appris, par une simple lettre, que son contrat ne serait pas converti en contrat professionnel au terme de ses classes juniors, à la fin de la saison 2014/2015: «je n’ai pas été plus déçu que ça. Nous sommes considérés comme du bétail, c’est le sport, c’est un monde de requins».
Durant l’été qui suit, il finit son apprentissage de logisticien en stockage aux Services Industriels de Genève et effectue malgré tout sa préparation physique estivale avec Genève-Servette. Le jeune homme accuse tout de même le coup et se relâche. Grâce à de solides statistiques, il suscite l’intérêt des dirigeants d’Olten, club qui est connu pour donner leur chance aux jeunes. Pour l’anecdote, l’entraîneur des Soleurois, Heikki Leime, a appelé l’agent de Jonathan après son premier entraînement au mois d’août, en lui signifiant que son joueur, qui avait pris 14 kilos, n’allait pas tenir le coup, et que s’il revenait le lendemain, c’est qu’il en avait et qu’il en voulait.
Jonathan est bien revenu le lendemain et, à force de travail et après quelques piges avec Morges en 1ère ligue, via une licence B, il a trouvé sa place au sein de l’effectif du coach finlandais. Au bénéfice d’un contrat d’une année avec option pour une supplémentaire, il est désormais titulaire en power-play, pouvant s’appuyer sur un des tirs les plus puissants de la ligue: «c’est contre Langenthal que je préfère jouer, c’est là qu’il y a le plus d’enjeu et d’ambiance. C’est aussi motivant pour moi de jouer contre Ajoie. L’objectif d’Olten est d’aller le plus loin possible en play-off, mais c’est clairement la promotion qui est espérée à moyen terme». Et les Souris du Kleinholz retrouveront justement les Jurassiens en demi-finale des play-off, dès le vendredi 4 mars.
Mais au fait pourquoi ce poste de défenseur ? « Mon papa était gardien de but, il m’a donc d’abord mis devant la cage, mais ce n’était pas ça. Attaquant, ça patine trop. Et j’ai finalement le gabarit du défenseur. Je ne suis pas un bastonneur, mais si on me vient dedans, je réponds. Je suis par contre parfois un peu provocateur », avoue Jonathan Ast.
Pour jouer à ce niveau, le jeune homme doit consentir, depuis des années, à des sacrifices qui vont de pair avec des entraînements quasi quotidiens et une hygiène de vie stricte. Aujourd’hui, il partage sa vie de sportif d’élite avec Naomi, qui vient elle aussi d’une famille de hockeyeurs.
La vie d’un jeune hockeyeur professionnel de LNB en Suisse n’est pourtant pas toute rose. Jonathan souhaiterait trouver un travail à côté, afin d’arrondir ses fins de mois. Toutefois sa situation pourrait vite changer avec ses performances sur la glace. Il affirme que c’est le maillot du CP Berne, son club de cœur, qu’il aimerait porter un jour, avant peut-être de réaliser le rêve ultime de tout joueur de hockey sur glace : griffer la glace en NHL.